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peuvent en s’unissant provoquer et diriger sur tel ou tel objet l’action des pouvoirs légaux. Il semble tout naturel d’emprunter à la constitution fédérale la forme déjà appliquée et consacrée par l’usage, c’est-à-dire le référendum et la ratification par le double vote du peuple et des cantons. Ce procédé, quoique déjà ancien, est le plus perfectionné de ceux qui sont employés dans les cantons. Il assimile en apparence les institutions représentatives modernes à la démocratie pure, et réduit les assemblées parlementaires à un simple travail de préparation, qui reste sans autorité aussi longtemps qu’il n’a pas obtenu la sanction du peuple. En ce sens, cette institution convient éminemment au caractère de la démocratie suisse. Autrefois la législation directe n’existait que dans les cantons pastoraux d’Uri, de Schwytz, de Glaris, d’Unterwald et d’Appenzell, où subsistait encore la vieille coutume germanique de l’assemblée générale du champ de mai. Le procédé du veto populaire s’introduisit pour la première fois en 1831 dans la constitution du canton de Saint-Gall. Ce ne fut que plus tard, en 1848, que le référendum, développement du même système, fut installé à Schwytz, après que la landesgemeinde eut été abolie dans ce canton. Beaucoup d’autres cantons l’imitèrent successivement, les Grisons en 1854, Bâle-campagne en 1863, Thurgovie, Zurich, Berne, Lucerne, Soleure en 1869, Argovie en 1870, et ce système législatif tend aujourd’hui à être adopté partout.

Pourquoi la confédération ne suivrait-elle pas cet exemple, à présent surtout qu’elle veut se saisir de presque toute la législation politique et civile ? Pourquoi n’offrirait-elle pas le référendum aux cantons, comme gage des libertés qu’ils aliènent et comme compensation des sacrifices qu’elle leur impose ? Sans dire, comme on le prétend quelquefois, qu’on leur rendra ainsi plus de pouvoir qu’on ne leur en prend, il faut reconnaître qu’il y a là un frein sérieux pour les abus de la souveraineté fédérale, et qu’il serait imprudent de le négliger dans un moment où cette souveraineté menace de tout engloutir ; mais dans quel cas devra s’exercer ce contrôle, et sous quelle forme faut-il l’établir ? Au fond, il n’y a qu’une assez légère différence entre le référendum et le veto ; elle consiste en ce que le référendum est obligatoire ou subordonné aux décisions de la confédération elle-même, tandis que le veto est facultatif et n’entre en exercice que quand le peuple ou les cantons le réclament suivant certaines formes prescrites. Le veto suffirait donc, car il ne faut pas trop multiplier les votations populaires, et quand une loi a été votée régulièrement, après mûre discussion, par les deux chambres, il y a toute présomption que le pays la désire ou qu’il l’accepte, à moins qu’il ne demande à la