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honte ineffaçable, et nous ne la plaindrions plus autant, si par aventure elle devenait la proie du césarisme germanique.


V

Après avoir énuméré les principales mesures contenues dans le projet de révision, on ne s’étonne plus de la résistance obstinée qu’elles rencontrent, non-seulement chez les partisans arriérés de l’autonomie cantonale, mais encore chez un grand nombre d’hommes sages et modérés qui, sans être hostiles à ce qu’on appelle le progrès moderne, craignent de le précipiter outre mesure et de devancer par trop l’œuvre du temps. La révision forme dans son ensemble, en dépit de quelques transactions et de quelques ménagemens plus apparens que réels, un système de centralisation des plus complets et qui, s’il était mis en vigueur, ne tarderait pas à se développer d’une manière dangereuse. Supposez que toutes les réformes qu’elle annonce ou qu’elle prévoit soient accomplies, et il n’y aura plus guère de différence entre les institutions de la Suisse et celles des grands états centralisés. On conçoit que des hommes sensés, convaincus peut-être, en détail, de l’utilité de ces réformes, mais croyant avec raison l’existence même de leur pays attachée au maintien de ses institutions fédératives, envisagent un pareil avenir avec inquiétude et avec chagrin.

C’est par la force des choses que l’on se trouve amené à resserrer les liens du gouvernement fédéral ; mais plus on augmente ses attributions, plus il devient nécessaire de lui donner un contre-poids, d’imaginer une institution qui rétablisse l’équilibre entre la confédération et les cantons. Ce contre-poids, les auteurs de la révision ont cru le trouver dans la participation directe du peuple des cantons à la législation fédérale. Ils ont eu l’idée, suivant ce qui se pratique dans plusieurs cantons pour la législation ordinaire, et dans la confédération elle-même pour les modifications du pacte fédéral, d’associer les citoyens aux résolutions de l’assemblée fédérale, et de compenser la perte des prérogatives de la souveraineté cantonale par une intervention nouvelle de cette souveraineté dans les actes et dans les décisions du pouvoir central. Cette pensée est venue à tout le monde, à tous ceux du moins qui désiraient entretenir la vie locale, et qui ne voulaient pas écraser les cantons sous les pieds d’un gouvernement purement unitaire.

Ce contrôle populaire peut s’exercer sous deux formes : sous celle du référendum, actuellement en usage pour la constitution, et sous celle du veto, il peut même se transformer en droit d’initiative, comme dans plusieurs cantons, où un certain nombre de citoyens