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le nombre des enfans naturels ; elle s’est maintenue cependant et s’applique encore avec beaucoup de rigueur dans, la plupart des cantons allemands, où règne le système de la taxe des pauvres. Elle n’existe pas dans la Suisse romande, où l’obligation de l’assistance publique est moins rigoureuse. C’est du canton de Vaud, pourtant peu révisioniste, qu’est sortie la demande d’une législation fédérale sur le mariage, et c’est même cette demande, on peut le dire, qui a été l’origine première de la révision.

Déjà la législation fédérale est intervenue dans les mariages mixtes ; elle les a non-seulement autorisés, mais garantis. Qu’en est-il résulté ? C’est que, dans certains cantons qui persistaient à mettre des empêchemens au mariage, les mariages entre personnes de la même confession religieuse sont devenus plus difficiles que les mariages mixtes. Pour assurer l’égalité à tous, l’article 50 du projet place solennellement le droit au mariage sous la protection de la confédération, et stipule qu’aucun empêchement ne peut être fondé « ni sur des motifs confessionnels, ni sur l’indigence de l’un ou de l’autre des époux, » ni sur des raisons de police. D’ailleurs on s’efforce autant que possible de respecter le droit des cantons, qui auront toute latitude de régler les formes civiles ou religieuses du mariage, pourvu toutefois que le mariage contracté régulièrement dans un canton, ou même au dehors, soit reconnu valable dans la confédération tout entière. L’article 60 ajoute « qu’en matière matrimoniale nul ne peut être contraint de se soumettre à une juridiction ecclésiastique. » Il est stipulé en outre que la femme acquiert par mariage le droit de bourgeoisie et de cité de son mari.

Voilà donc l’unité de législation civile qui s’approche à grands pas. Elle se glisse dans la constitution sous forme d’articles organiques qui ne sont eux-mêmes que des articles de droit civil. Toutes ces dispositions de détail deviennent inutiles ou ne gardent plus qu’une valeur transitoire quand on arrive à l’article 55. Ici le principe de l’unité législative est hautement proclamé : « la législation sur le droit civil, y compris la procédure, est du ressort de la confédération ; la confédération peut en outre étendre sa législation au droit pénal et à la procédure pénale. » Quoique les cantons ne soient pas dessaisis de l’administration de la justice et qu’ils « conservent le droit de rendre des lois en attendant la promulgation des lois fédérales, » le dernier mot de la centralisation est prononcé ; si cet article prévaut, le régime fédératif est bien malade. Malgré l’utilité, et il faut presque dire la nécessité plus ou moins prochaine de cette grande réforme, on comprend que beaucoup de bons esprits s’en épouvantent, et qu’ils se demandent avec anxiété si une révolution aussi profonde ne sera pas fatale à l’avenir de leur pays.