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projet de révision a fixé cette durée à trois mois. Ce n’est pas tout encore : il faut se demander de quelle législation dépend le Suisse établi. Est-ce la législation du lieu de son origine ? Est-ce la législation de son lieu de séjour ? L’usage et la tradition veulent que ce soit celle du lieu d’origine ; le bon sens, l’intérêt bien entendu de chacun, veulent que ce soit la législation du lieu d’établissement. Il arrive sans cesse qu’il y a des conflits entre l’une et l’autre. C’est là une de ces difficultés inextricables que l’unité de législation peut seule résoudre, et c’est à elle en effet que le projet de révision fait appel en réclamant une loi fédérale sur le principe du domicile.

Le droit de naturalisation soulève une question à peu près semblable. Ce droit n’appartenait jusqu’ici qu’à la souveraineté cantonale ; quoique conforme à la tradition, le droit absolu des cantons est en cette matière une anomalie choquante, car tout citoyen d’un canton est en même temps citoyen suisse, et par conséquent la confédération a quelque droit de l’accueillir ou de le repousser. Il se passe d’ailleurs dans les cantons des abus scandaleux dont la confédération est la première à souffrir, et auxquels il faut bien lui donner le moyen de mettre un terme. On a vu, pendant la dernière guerre, la nationalité suisse devenue un objet de commerce et vendue en Allemagne au plus offrant par des agens cantonaux, qui ne rougissaient pas de trafiquer du nom de la patrie. Sera-ce donc à la confédération seule que l’on remettra le droit de naturalisation ? Cela ne peut se faire tant qu’on maintiendra la législation fédérale sur les gens sans patrie, et tant qu’il ne suffira pas d’appartenir à la confédération pour être citoyen d’un canton. Faute de l’unité de législation, qui serait ici encore la solution la plus commode, le projet de révision se contente d’exiger que les demandes de naturalisation soient soumises d’abord au conseil fédéral, qui jugera si elles sont fondées, pour les transmettre ensuite aux cantons, s’il les approuve.

Un autre point sur lequel l’unité de législation est demandée avec le plus d’ardeur, c’est la question du mariage. Chose bizarre, et qui montre comme les coutumes les plus abusives peuvent s’accorder avec l’usage des libertés les plus démocratiques, le droit au mariage est encore sujet en Suisse à un certain nombre de restrictions. Dans plusieurs cantons, les mariages mixtes sont interdits entre personnes de diverses confessions ; de plus on ne peut pas se marier, si l’on ne peut justifier de ses moyens d’existence, et les indigens sont condamnés au célibat, parce qu’ils donneraient naissance à une famille que la commune serait dans l’obligation d’entretenir. Bien entendu, cette loi n’a d’autre effet que d’augmenter