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L’organisation de la landwehr est livrée d’ailleurs par la constitution à toutes les fantaisies des gouvernemens cantonaux. Il existe assurément des lois fédérales qui règlent son armement, la durée de son service, dont le minimum est d’un jour par an, le mode même de son inspection ; mais ces lois sont pour ainsi dire en l’air, puisque les états ne sont pas liés à cet égard par la constitution. Il y a dans cette organisation beaucoup de négligence et de décousu. Pour n’en citer qu’un exemple, l’effectif des bataillons varie de 377 hommes à 1,368 hommes. Aussi la constitution, en mettant les 66,539 hommes de la landwehr à la disposition du gouvernement fédéral, ne lui procure-t-elle aucune force effective. Si la guerre éclatait et qu’il fallût se servir de la landwehr, il faudrait commencer par la réorganiser de fond en comble. Il est donc nécessaire, si l’on compte sur elle pour la défense du pays, que le gouvernement fédéral prenne en main cette force inorganisée, et qu’il essaie d’en tirer parti.

Ce n’est pas tout. On sait que les corps spéciaux, l’artillerie, le génie et la cavalerie, sont seuls instruits aux frais et sous la direction du gouvernement fédéral. Pour tout le reste de l’armée, il n’a que le droit de surveiller l’instruction et de former les instructeurs ; il surveille également l’équipement et l’armement, qui se font dans les cantons. Aussi l’équipement et l’instruction, sinon l’armement, sont-ils parfois mauvais ; la qualité du moins en est fort variable d’un canton à l’autre. On n’en est plus sans doute au temps où les petits cantons s’entendaient pour frauder la loi militaire, et s’empruntaient réciproquement leurs équipemens ou leurs armes ; il y a longtemps que les batteries d’artillerie nomades qui passaient d’un canton à l’autre, comme des décorations de théâtre, ont disparu sous l’œil vigilant des inspecteurs fédéraux. Il n’en existe pas moins de très grandes et très frappantes différences entre les contingens des cantons. Tandis que les uns présentent l’aspect des meilleures troupes régulières, les autres ressemblent davantage à des gardes nationales improvisées, pareilles à celles dont nous avons été réduits à nous servir pendant notre guerre avec l’Allemagne.

A tous ces inconvéniens, le conseil fédéral n’avait proposé qu’un remède prudent, presque timide. Il voulait confier à la confédération l’instruction de l’infanterie, comme celle des autres armes ; il voulait en outre écrire dans la constitution que tous les citoyens devaient être astreints au service militaire pendant un temps déterminé, ce qui aurait mis le surplus des contingens à la disposition du gouvernement fédéral ; il proposait enfin d’incorporer la landwehr dans l’armée fédérale. Du reste, il laissait au canton la charge et le soin de l’armement, de l’équipement et toutes les attributions