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national, c’est-à-dire la chambre des représentans, se livra sur ce thème à un nouveau travail, qui fut à son tour revu et corrigé par le conseil des états, Dans cette triple élaboration du projet, on put remarquer que les propositions du conseil fédéral s’inspiraient surtout d’un grand esprit de modération ; celles du conseil national au contraire étaient plus radicales et plus franchement unitaires ; enfin le conseil des états, fidèle à son rôle de délégation des cantons, se montrait plus conciliant et plus désireux de ménager les traditions de la souveraineté cantonale. Tous les trois cependant reconnaissaient à divers degrés et sur presque tous les points la nécessité d’une centralisation plus grande dans les pouvoirs du gouvernement fédéral.

Ce qu’il y a de remarquable dans cet ensemble de réformes, contestables assurément à plus d’un point de vue, c’est qu’aucune des mesures unitaires recommandées par les trois conseils ne semblait s’appuyer sur une préférence théorique pour le système centralisateur. La centralisation a, comme on le sait, ses doctrinaires, qui en dehors d’elle ne voient point de salut. Il serait difficile de trouver la trace d’une superstition pareille dans les discussions auxquelles s’est livrée l’assemblée fédérale à l’occasion du projet de révision. La superstition, s’il y en a, est tout entière du côté du fédéralisme ; c’est le fédéralisme qui est l’arche sainte à laquelle on ne touche qu’en tremblant. C’est par l’expérience des faits, par des argumens d’un ordre tout pratique et positif, par le sentiment des besoins chaque jour révélés de la civilisation moderne, que des fédéralistes convaincus en arrivent à restreindre le pouvoir des cantons, à faire disparaître les diversités locales, à corriger les abus du vieux temps, à concentrer les grands services nationaux dans les mains de l’autorité fédérale, à faire passer enfin les dernières irrégularités du vieux monde sous le niveau d’une législation unitaire. Il n’y a jamais eu d’exemple plus saisissant de la nécessité irrésistible, à bien des égards fâcheuse, qui entraîne les sociétés modernes vers la centralisation administrative, et qui leur impose chaque jour davantage la grande loi de l’uniformité.

La principale des questions soulevées par le projet de révision est, comme nous l’avons vu plus haut, celle de la centralisation militaire. Aux termes de l’article 19 de la constitution fédérale, a l’armée suisse se compose des contingens des cantons, » qui forment au total 4 1/2 pour 100 de la population ; les deux premiers tiers composent l’élite, et le troisième tiers la réserve. La population de chaque canton et le chiffre de son contingent, qui en dépend, sont évalués d’après le dernier recensement. C’est ce qu’on appelle l’échelle des contingens. Ce système est mal combiné et