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Une nouvelle diète fut convoquée à Berne pour refaire la constitution ; mais les élections de cette assemblée se firent sous la pression du parti victorieux. Les opinions dissidentes furent réduites au silence, les élections cantonales furent cassées et refaites militairement partout, où elles ne donnèrent pas des résultats favorables, particulièrement dans les cantons de Schwytz et du Valais. Les démocrates du canton de Vaud se mirent à persécuter brutalement les membres démissionnaires du clergé protestant qui avaient essayé de former une église libre en opposition avec l’église officielle. En certains endroits, les vainqueurs imposèrent aux vaincus une sorte de contribution de guerre. Il y eut des exils, des internemens, des confiscations, des violences de toute nature. On put croire un instant que c’en était fait des libertés de la Suisse, et que cette révolution n’aboutirait qu’au triomphe de la démagogie. Il n’en fut rien cependant : cette révolution a donné à la Suisse les institutions les plus sages et les meilleures qu’elle ait jamais eues.


II

La nouvelle constitution préparée en 1848 par la diète de Berne est justement celle qui règne encore et qu’il s’agit aujourd’hui d’amender. On peut en faire l’éloge en deux mots : c’est une constitution vraiment fédérative, vraiment appropriée aux besoins et aux traditions nationales. Si elle doit être modifiée sur quelques points, les traits généraux en sont impérissables, ou du moins ils dureront autant que la Suisse elle-même. Le jour où les fondemens de la constitution de 1848 seraient sérieusement ébranlés, on peut le dire sans exagération, la nation suisse aurait cessé d’exister.

Les fondateurs de cette constitution ont pris avec raison pour modèle la constitution des États-Unis d’Amérique. Comme cette dernière, elle concilie les droits des états et ceux de la majorité numérique du pays en confiant la législation fédérale à deux chambres diversement élues. L’une, intitulée conseil national, est la représentation directe et proportionnelle de la population de chaque canton à raison d’un représentant pour 20,000 habitans ; le conseil national est élu pour trois ans et intégralement renouvelé ; ses membres reçoivent une indemnité de la confédération. L’autre s’appelle le conseil des états, et représente les cantons, comme le sénat américain, à raison de deux députés par canton ou d’un député par demi-canton ; il est réélu par tiers comme le sénat américain. Les cantons sont chargés de fournir une indemnité à ses membres, s’ils le jugent convenable ; ils sont libres d’ailleurs de leur allouer ou de