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police de Vienne), par Mlle Pierson (Andréa), Mme Fromentin (Stella), Mlle Angélo (la baronne Thécla). Il faut louer surtout le troisième acte, — ou le troisième tableau, car la pièce se déroule en six tableaux, — qui nous transporte chez le directeur de la police. C’est d’abord la baronne Thécla qui vient faire appel au pouvoir discrétionnaire du préfet, parce qu’elle se trouve sous le coup d’une audacieuse tentative de chantage. En sortant de sa loge à l’Opéra, au bras de son mari, elle y a oublié à dessein son manchon, où elle avait caché un billet à l’adresse du fameux général Cracovers, — un ami du. baron. Le général, averti par elle, est retourné dans la loge, mais il n’a pu trouver le manchon. Le lendemain, une missive anonyme somme la baronne de racheter sa lettre, si elle ne veut pas qu’elle soit vendue au mari. Heureusement le bon préfet a sous la main le dossier du général, — ses états de service ! s’écrie avec une adorable candeur la baronne, dont le général a su gagner le cœur, comme Othello celui de Desdémone, par le récit de ses exploits guerriers. La baronne en sera quitte pour la peur, « Je regrette de perdre le général, dit le préfet ; il me rendait des services… Bah ! il les rendra ailleurs. » Et la baronne, qui n’en était encore qu’à son premier rendez-vous, jure qu’elle n’écrira plus… une autre fois ! Elle est à peine partie que la comtesse Andréa arrive à son tour. Après deux ans de mariage, son mari la néglige déjà, et le hasard lui a fait découvrir que ce dernier s’est attelé au char triomphal d’une ballerine. Elle a trouvé moyen de se faire conduire dans la loge de Stella, où son mari n’a pas tardé à lui fournir les preuves de sa culpabilité. Il n’est toutefois coupable que d’intention, car Stella jusqu’alors l’a su tenir à distance respectueuse. Cependant, répondant à un défi de la jolie couturière, la danseuse a promis à celle-ci qu’au moindre signe d’elle le comte, abandonnant sa femme, la suivra elle-même à Bucharest, et elle doit partir dans la nuit. Le comte, refoulant ses remords, s’est décidé à obéir. Voilà ce qui amène sa femme éplorée chez le directeur de la police, qui trouvera bien un moyen quelconque d’empêcher la fugue du mari. Le directeur, touché de voir chez lui cette rareté, une femme qui adore son mari, cherche avec la comtesse ; il la questionne pour savoir si le comte ne prêterait pas le flanc par quelque délit… Mais non, c’est la perle des maris, la comtesse se fâche à ces soupçons injurieux. Ce n’est qu’un pauvre fou égaré ! Voilà le trait de lumière ; le directeur, qui s’échauffe, propose aussitôt de le faire enfermer pendant vingt-quatre heures dans une maison de santé sur un certificat de médecin… C’est au tour de la comtesse à se récrier, et le directeur d’insister. Enfin il propose un moyen terme : la comtesse mettra d’abord en œuvre ses ressources personnelles pour retenir au domicile conjugal son volage mari, qui sans doute va rentrer chez lui avant le départ du bateau ; si contre toute attente elle ne réussissait pas, si le comte