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aux armes avec la même unanimité, la même rage implacable qu’en 1815, et l’Europe nous laisserait, sans s’émouvoir, subir les conséquences d’un acte qu’elle considérerait comme une injustifiable témérité.

Tels sont les dangers qui nous menacent, tels sont les avertissemens qui ressortent pour nous de la lecture des journaux allemands. Ce serait perdre notre temps que de récriminer ou de nous indigner à ce propos. Parmi les jugemens que nous avons signalés, quelques-uns peuvent être utiles à méditer, tirons-en profit ; pour les autres, il suffit de les citer. Les Allemands ne peuvent trouver mauvais que nous tenions la même conduite qu’ils ont tenue. Après ces malheurs de 1806 et ces mécomptes de 1815, la Prusse n’a pas compté les années. Elle s’est résignée à vivre dans l’Europe telle que le hasard des armes l’avait constituée ; elle s’est contentée de se préparer silencieusement pour les jours meilleurs. Ces jours viendront pour nous, si nous en sommes dignes. Les traités ne valent qu’autant que subsistent les circonstances dans lesquelles ils ont été signés. Ils expriment les rapports de deux forces ; tant que ces rapports restent les mêmes, les traités gardent leur valeur, et les efforts que l’on ferait pour les déchirer n’aboutiraient qu’à en affermir les résultats ; si les rapports se modifient au contraire, les traités par eux-mêmes deviennent lettre morte, et l’on voit fatalement se produire des événemens qui en amènent la révocation. Ç’a été l’histoire des traités de 1815 : ils avaient toute leur force en 1822, ils étaient ébranlés en 1830 ; en 1866, lorsque Napoléon III prononça le discours d’Auxerre, il ne maudit qu’un fantôme. Les traités de 1815 étaient caducs ; la Prusse put les fouler aux pieds, l’Autriche n’était pas de force à les soutenir et l’Europe ne les défendait plus. Les traités de Francfort auront la même destinée ; il dépend de nous de réaliser les conditions qui en feront à leur tour un parchemin sans valeur. A l’heure présente, le recueillement pratiqué avec tant de dignité et tant de fruit par la Russie après le traité de Paris doit être le principe de notre diplomatie.

Quoi que nous ayons fait, quoi que nous fassions encore, nous ne faisons pas assez ; nous nous sommes amendés, mais nous ne le montrons pas suffisamment aux étrangers. Il nous reste à gagner du sérieux dans les dehors. Il nous siérait de ne pas nous plaindre autant les uns des autres. Il semblerait opportun de penser un peu plus librement en politique, et d’abjurer toute superstition républicaine ou monarchique. La république existe de fait : ce devrait être pour tout le monde un motif suffisant d’entreprendre sous ce système de gouvernement la restauration du pays. Pour relever en Europe le crédit de la France, la république ne peut pas employer