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aux yeux de ces politiques, une influence favorable à l’Allemagne ; elle obligerait la Prusse à se montrer plus respectueuse des droits des citoyens et de la liberté des consciences.

Le langage de l’empereur Guillaume dans le dernier discours du trône, la considération très grande dont notre ambassadeur, M. le vicomte de Gontaut-Biron, est entouré à Berlin, la bonne volonté que le prince de Bismarck a manifestée, dit-on, dans les négociations épineuses du traité du 15 mars, prouvent que, dans le gouvernement même, on rend justice à la France. Il ne faut pas cependant nous en faire accroire : le mot de revanche n’amène en Prusse sur toutes les lèvres qu’un sourire ironique. Ce n’est pas que l’on considère une tentative comme impossible ou invraisemblable ; mais on croit que le résultat n’en saurait être douteux. « C’est uniquement de ce point de vue, dit M. le capitaine Jähns, qu’il faut considérer la réorganisation de l’armée française. » M. Jähns pense que cette réorganisation ne donnerait ses résultats qu’après vingt ans de travail continu, et il ne croit pas la France capable d’efforts aussi suivis ; lors même que ces efforts aboutiraient, la France, par le déficit normal de sa population, serait toujours inférieure à l’Allemagne, où la population augmente selon une progression géométrique ; l’armée française, constamment compromise par les guerres civiles, mêlée forcément aux luttes politiques, est envoie de décadence constante ; le service obligatoire ne sera jamais organisé sérieusement en France, « une saine constitution de l’armée n’étant possible qu’avec une constitution de l’état respectée par toute la nation. » M. Jähns paraît donc peu effrayé pour l’avenir ; mais il ne s’en préoccupe pas moins, et il se demande « si M. Thiers, encouragé par les succès militaires qu’il s’attribue dans la prise de Paris, ne se propose pas, comme couronnement d’une vie si riche en succès de tout genre, de conduire l’armée française à la frontière ?… L’activité du président est respectable à tous égards ; l’opinion publique la prend fort au sérieux, par cela même que le soin exclusif donné par M. Thiers aux choses de l’armée flatte le chauvinisme, qui, malgré de si terribles déceptions, sévit toujours dans la nation. » Ces ligues permettent de juger des idées qui ont cours dans le « parti militaire » prussien. Nous pouvons opposer à M. Jähns les déclarations formelles du gouvernement français. Les conclusions de l’exposé des motifs de la loi sur la réorganisation de l’armée, présentée le 30 janvier à l’assemblée nationale, ne laissent aucun doute sur la loyauté de ses intentions. « C’est la paix pour le présent et l’avenir que nous voulons… Si nous cherchons à reconstituer les forces militaires de la France, c’est qu’aujourd’hui toutes les nations sans exception cherchent, à cet égard, à se mettre au niveau les unes des autres… Ce