Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/716

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

discutés, et dans laquelle on a fait intervenir, selon l’usage, « les larmes de la veuve et de l’orphelin ? » Il s’agissait de savoir si l’on accorderait aux femmes des déportés la moitié, le tiers ou la totalité des successions. Attendez donc qu’il s’en crée ! Où il n’y a rien, dit-on, le roi lui-même perd ses droits. Que la loi accorde aux veuves, par dérogation expresse a aux grands principes, » même la totalité de la fortune acquise par leur mari en Nouvelle-Calédonie, tant mieux ; mais, hélas ! cela ne déchargera pas l’état de l’obligation où il se trouvera quelque jour soit de subvenir aux besoins de ces expatriées volontaires dans la colonie même, soit après leur retour en France de les utiliser dans quelque atelier national. En attendant, toutes les belles paroles qui ont été dites ne feront pas avancer l’édifice de la colonisation d’un pouce ni d’une pierre. Aussi croyons-nous devoir engager les représentans du pays à se débarrasser promptement de la responsabilité d’une entreprise ingrate et sans espoir de succès dans les conditions où elle s’accomplit, — non que nous joignions notre voix à celles qui demandent l’amnistie. L’amnistie jetterait en France des milliers de bras qui sont déshabitués du travail et qui ne peuvent servir qu’aux insurrections. Ce que nous voudrions, c’est que notre pays renonçât à des essais de déportation qui n’ont jamais réussi et qui ne peuvent pas réussir, non-seulement parce que les transportés ont toujours refusé le travail, mais encore parce que les grandes colonisations ne se font pas par la petite culture. Interdisons aux condamnés le sol de la France ; c’est déjà une punition cruelle ! Comme il ne manque pas de pays étrangers où leur radicalisme rencontre de nombreux adhérens, ils seront certains d’y trouver, avec de la sympathie, des moyens de travail, et ils cesseront ainsi d’imposer à nos budgets d’énormes charges. Nous bénéficierons de tout ce qu’ils coûtent, nous éviterons la disgrâce d’un nouvel avortement, et ils n’augmenteront pas beaucoup les dangers de l’ordre social, car l’armée du désordre n’a malheureusement pas été désorganisée par l’éloignement de quelques milliers d’hommes.


PAUL MERRUAU.