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signaler, un caractère de vitalité persiste, ce sont les battemens du cœur. Ces battemens sont plus faibles, plus rares, mais ils restent appréciables par l’auscultation. On les retrouve constamment dans les syncopes les plus graves, dans les diverses sortes d’asphyxies, dans les empoisonnemens par les narcotiques les plus terribles, dans l’hystérie, dans la torpeur de l’épilepsie, bref dans les états les plus variés et les plus prolongés de mort, apparente et de léthargie.

Toutefois ce résultat, aujourd’hui acquis à la pratique, était inconnu aux anciens médecins, et on ne peut se dissimuler qu’autrefois la mort apparente a été prise assez souvent pour la mort réelle. Les annales de la science ont enregistré un certain nombre de confusions de ce genre, dont plusieurs ont eu pour suite des inhumations de malheureux qui n’étaient pas morts. Et pour une de ces erreurs que le hasard a fait découvrir soit trop tard, soit à un moment où la victime pouvait encore être sauvée, combien en est-il surtout aux époques d’ignorance et d’incurie, que personne n’a connues ! Combien de vivans n’ont rendu le dernier soupir qu’après avoir vainement essayé de briser leur cercueil ! Les faits rassemblés par Bruhier et Lallemand dans deux ouvrages devenus classiques composent l’histoire la plus dramatique et la plus lugubre. En voici quelques épisodes assez singuliers par le rôle qu’y a joué le hasard. Un garde champêtre, sans famille, meurt dans une petite commune de la Charente-Inférieure. A peine refroidi, son corps est extrait de son lit et déposé sur une paillasse recouverte d’un mauvais drap. Une vieille femme salariée est chargée de garder le lit mortuaire. Aux pieds du corps se trouvaient une branche de buis plongée dans un vase rempli d’eau bénite et un cierge allumé. Vers le milieu de la nuit, la vieille gardienne, cédant à un insurmontable besoin de sommeil, s’endormit profondément. Deux heures après, elle s’éveillait au milieu des flammes d’un incendie qui avait gagné ses vêtemens. Elle s’élança dehors, appelant au secours de toutes ses forces, et les voisins, accourus à ses cris, virent bientôt sortir de la masure enflammée un spectre nu, se traînant avec peine sur ses jambes couvertes de brûlures. Pendant le repos de la vieille femme, une flammèche était probablement tombée sur la paillasse et l’incendie développé avait à la fois rappelé la gardienne de son sommeil et le garde champêtre de sa mort apparente. Celui-ci, secouru à temps, guérit de ses brûlures et revint à la santé.

Le 15 octobre 1852, un cultivateur des environs de Neufchâtel (Seine-Inférieure) monta dans un fenil au-dessus de sa grange, pour se coucher, comme à l’ordinaire, au milieu du foin. Le lendemain matin, l’heure habituelle où il se levait étant passée, sa femme