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tout cas, personne n’a encore entrevu les moyens de réaliser un tel équilibre, et la mort reste ; jusqu’à nouvel ordre une loi absolue du destin. Toutefois, si, l’immortalité d’un organisme complet paraît chimérique, il n’en est peut-être pas de même de l’immortalité d’un organe séparé, et voici dans quel sens. Il a déjà été question ici même des expériences de M. Paul Bert sur la greffe animale. M. Bert a montré qu’on pouvait greffer sur la tête d’un rat certains organes du même animal, la queue par exemple. Or ce physiologiste, s’est demandé s’il ne serait pas possible, lorsqu’un rat muni d’un pareil appendice approche du terme de son existence, de lui enlever cet appendice pour le transplanter sur un jeune animal, lequel, à son tour, serait dépossédé de la même façon dans sa vieillesse en faveur d’un individu d’une nouvelle génération, et ainsi de suite. Cette queue, successivement transplantée sur de jeunes animaux et puisant dans chaque transplantation un sang plein de vitalité, se renouvelant constamment sans cesser de rester elle-même, échapperait ainsi à la mort. L’expérience, difficile et, délicate, on le conçoit, a cependant été entreprise par M. Bert, mais les circonstances n’ont pas permis de la prolonger pendant longtemps, et le fait de la perpétuité d’un organe, périodiquement rajeuni, reste à démontrer.


III

La mort réelle est donc caractérisée par l’arrêt définitif des fonctions et des propriétés vitales à la fois de la vie organique ou végétative et de la vie animale proprement dite. Quand la vie animale disparaît sans qu’il y ait interruption de la vie organique, l’économie est en état de mort apparente. Dans cet état, le corps est pris d’un sommeil profond, assez analogue à celui des animaux hibernans ; toutes les expressions ordinaires et tous les indices de l’activité intérieure ont disparu et font place à une torpeur invincible. Les excitans chimiques les plus énergiques n’exercent aucune influence sur les organes, les parois thoraciques sont immobiles ; bref, il est impossible, en voyant le corps dans cette apparence, de ne point songer à la mort. Les états de l’organisme qui peuvent ainsi plus ou moins simuler la mort sont assez nombreux ; le plus vulgaire est la syncope. Il n’y a plus en ce cas ni sentiment, ni mouvement respiratoire ou circulatoire apparent ; la chaleur est abaissée, là peau décolorée et livide. On cite des cas d’hystérie où l’accès s’est prolongé pendant plusieurs jours avec accompagnement de syncope. Dans ce singulier état, toutes les manifestations physiologiques sont suspendues ; cependant elles ne le sont pas