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physiologiste décapite un chien, en ayant soin de faire la section au-dessous de l’endroit où les artères vertébrales pénètrent dans leur cariai osseux. Dix minutes après, il applique le courant galvanique aux différens points de la tête ainsi séparée du corps. Aucun mouvement ne se produit. Il adapte alors aux quatre artères, dont les extrémités se trouvent sur la section du cou, des canules communiquant par des tubes avec un réservoir plein de sang frais et oxygéné, et il détermine la pénétration de ce sang dans les vaisseaux du cerveau. Immédiatement des mouvemens désordonnés des yeux et des muscles de la face, se produisent, puis l’on voit apparaître des contractions harmoniques et régulières qui semblent dirigées par la volonté. Cette tête a recouvré la vie. Pendant un quart d’heure que dure l’injection de sang dans les artères cérébrales, les mouvemens continuent de s’accomplir. On arrête l’injection, les mouvemens cessent, et font place aux tremblemens de l’agonie, puis à la mort.

Les physiologistes se sont demandé si cette résurrection momentanée des propriétés vitales ne pourrait pas être réalisée chez l’homme, c’est-à-dire si on ne pourrait pas, en injectant du sang frais dans une tête humaine récemment séparée du corps, provoquer des mouvemens et rallumer le regard comme dans l’expérience de M. Brown-Séquard. On a songé à l’essayer sur des têtes de suppliciés par décollation, mais les observations anatomiques, et particulièrement celles de M. Charles Robin, ont montré que les artères du cou sont tranchées par la guillotine de telle façon que l’air y pénètre et les remplit. Il en résulte qu’il est impossible d’y pratiquer une injection de sang capable de produire les résultats notés par M. Brown-Séquard. On sait en effet que le sang qui circule dans les vaisseaux devient, au contact de l’air, spumeux et impropre à l’entretien des fonctions. M. Robin pense que l’expérience dont il s’agit ne pourrait réussir, que sur la tête d’un homme tué par des balles ayant frappé au-dessous du cou ; dans ce cas, il y aurait moyen d’opérer une section des artères telle qu’il n’y ait point irruption d’air, est, en séparant la tête à l’endroit indiqué par M. Brown-Séquard, on obtiendrait probablement par l’injection d’un sang oxygéné les manifestations fonctionnelles observées sur la tête du chien. M. Brown-Séquard est convaincu qu’on pourrait les obtenir, moyennant certaines précautions, même avec une tête de supplicié par décollation, et il en est tellement convaincu que, lorsqu’on lui proposa d’exécuter l’expérience, c’est-à-dire de pratiquer une injection sanguine dans une tête de supplicié, il s’y refusa, ne voulant pas, dit-il, être témoin des tortures de ce tronçon d’être rappelé momentanément à la sensibilité et à la vie. Nous