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La troupe a bientôt traversé la ville marchande, franchi la limite du quartier noble, et gagné le palais du daïmio Koono. L’enceinte rectangulaire longe sur trois côtés une ruelle ou une avenue ; le quatrième est contigu à une résidence voisine. La troupe se distribue suivant les rôles convenus ; des hommes se postent pour surveiller les trois avenues, tandis qu’un petit groupe, prêt à escalader le mur qui sépare les deux hiaskis, observera pendant le combat cette voie de retraite de l’assiégé. Usant de ruse, un des conjurés frappe discrètement à une petite porte de service et se donne pour un domestique attardé dont il emprunte le nom. A peine le portier a-t-il entre-bâillé l’ouverture qu’il est saisi, entraîné au dehors et décapité. En quelques secondes, les assaillans ont envahi la petite cour qui suit l’entrée, et deux autres serviteurs endormis ont subi le même sort. Hori pénètre après eux et se fait hisser sur le toit de la loge des gardiens. Glissant sur les tuiles, il parvient à passer la tête au-dessus du faîte, et de ce poste il observe quelques instans les cours et les palissades intérieures. Cette rapide inspection lui a permis de vérifier l’exactitude de ses renseignemens et la sûreté de son plan de combat ; un coup de sifflet donne le signal de l’attaque simultanée sur les divers points de l’enceinte.

Cependant les gardiens de veille, au bruit insolite qui parvient jusqu’à eux, jettent l’alarme dans toutes les cours du hiaski. Les défenseurs endormis se réveillent, serrent à la hâte la ceinture de leur vêtement de nuit, et se précipitent sur les lances et les sabres qui, près d’eux, garnissent les râteliers d’armes. Déjà les assaillans, groupés à l’intérieur de l’enceinte et aux prises avec les premiers obstacles de ce dédale que présente toute demeure de noble japonais, ont repoussé quelques postes extérieurs de gardes, trop peu nombreux, et qui battent en retraite en combattant mollement. Hori, sur un point central, surveille les groupes dont le bruit indique la marche progressive, et dirige la principale attaque. Sous les coups des haches et de la lourde massue, les portes closes et les palissades volent en éclats ; les assaillans se rapprochent ainsi des appartemens privés du prince. On le devinerait au nombre croissant des défenseurs qui accourent : armés à la hâte, ils n’ont pris que le temps de serrer leur ceinture, d’assujettir au corps par une sorte de bretelle les manches flottantes de leur robe afin de dégager leurs bras nus et de pouvoir manier le sabre, et de ceindre leur front d’une forte bande de toile destinée à amortir les coups de taille de l’adversaire. Le combat devient acharné. Les serviteurs du prince font bravement leur devoir ; mais comment lutter contre des hommes armés de pied en cap, et qu’atteignent à peine de légères blessures ? Tour à tour ils tombent, réduits à se faire tuer