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dépasse 30 millions[1] ; il y a en outre 3,500 fabriques qui occupent près de 60,000 ouvriers, et dont l’expropriation exigerait plusieurs centaines de millions. Sans doute la question d’argent est bien secondaire, et il ne manque point d’hommes spéciaux pour conseiller au gouvernement d’affecter à cette expropriation une partie de l’indemnité française ; mais le monopole troublerait profondément le pays, et la Prusse, qui dès 1868 réduisait de moitié la taxe qu’elle avait proposée en 1855, ne se montrera pas moins réservée aujourd’hui. Il est même douteux que la taxe de culture puisse être augmentée sans un coup d’autorité, car la seule annonce de ce projet a soulevé dans toute l’Allemagne un déluge de pétitions et de protestations qui viennent d’être mises sous les yeux du conseil fédéral.

Le sucre est un des élémens les plus précieux du revenu de l’empire, auquel il apporte un contingent de 46 millions pour 1873. Dès l’origine du Zollverein, il avait été l’objet d’un droit de douane ; mais ce n’est qu’en 1836 que l’idée d’imposer en même temps la production indigène se fit jour dans les conférences générales. Le rapide développement de la sucrerie française était de nature à éveiller l’attention, et, bien que les fabriques fussent encore peu nombreuses sur le territoire allemand, on pouvait craindre à bref délai une transformation pleine de périls pour les finances des états. Néanmoins les membres présens à ces conférences refusèrent de prendre une résolution, n’étant point, disaient-ils, suffisamment éclairés sur la question ; mais, le rendement.des douanes ayant accusé tout à coup en 1840 une moins-value considérable dans l’importation des sucres coloniaux, on se hâta de soumettre la fabrication à une taxe uniforme, dont le produit devait être réparti entre les puissances du Zollverein, au prorata de la population. Pour la première année, le taux en était fixé à 20 centimes par quintal de racines entrant dans les fabriques, sous la réserve des modifications inhérentes à la marche de l’industrie. Il est maintenant de 2 francs, ce qui représente une taxe de 23 francs par 100 kilogrammes de sucre brut[2], ou le tiers de ce que l’on paie en France depuis la guerre. Le tarif de douane a subi également de nombreuses vicissitudes. A l’époque où les états se rallièrent par force à l’idée d’imposer le sucre indigène, il fut stipulé que la fabrication serait

  1. Pendant la campagne de 1871-1872, on a récolté en Allemagne 356,972 quintaux de tabac, et il en a été importé 499,780. Les exportations s’élevant à 75,000, il reste pour la consommation intérieure 781,000 quintaux.
  2. Le rendement de la betterave, qui était à peine de 5 pour 100 en 1841, est aujourd’hui de 8 1/2 pour 100 ; en d’autres termes 12 quintaux de betteraves donnent 1 quintal de sucre en poudre et 82 kilos de sucre raffiné.