Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/635

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la condamnation des conciles. Annon, archevêque de Cologne, aussitôt après son coup d’état, se hâta de donner des preuves de son attachement pour la cour romaine en assemblant un synode dans le château d’Osbor (28 octobre 1062), où de nombreux évêques d’Allemagne et d’Italie condamnèrent l’antipape Cadalous et donnèrent raison au décret de Nicolas II. Aussi l’église de Rome montra-t-elle beaucoup de faveur à la régence d’Annon, qui pourtant a été fatale à l’Allemagne et surtout à Henri IV. Si l’acte de violence de ce prélat a été prémédité avec Hildebrand, on ne saurait le dire ; ce qui est certain, c’est que ce dernier en a profité. A partir de 1062, l’indépendance romaine n’a plus eu rien à craindre de l’Allemagne, et la nouvelle constitution électorale de la papauté a eu le temps de se raffermir. Une bonne cause a été servie par un détestable coup de main. Une meilleure politique concilia l’appui des Normands de l’Italie inférieure à la papauté, qui plus tard put regretter de s’être livrée à de si rusés et intéressés amis ; mais l’Italie et spécialement les états de l’église étaient désolés par le brigandage. Rome ne pouvait se passer d’appui militaire ; elle ne le trouvait plus dans l’empire depuis la mort d’Henri III. Godefroi le Barbu avait quitté l’Italie pour retourner dans la Basse-Lorraine ; Hildebrand et Nicolas II négocièrent avec l’ennemi intime des Allemands et des Lombards, avec Robert Guiscard, la papauté n’ayant pas sous sa disposition une puissance temporelle assez imposante pour réprimer l’audace de la féodalité italienne, favorisée par les mécontentemens des prêtres simoniaques et concubinaires.

La papauté semblait ne pouvoir se passer de l’empire et ne pouvait vivre cependant avec son protecteur. Vainement le pape et les évêques prononçaient chaque jour des excommunications contre les ravisseurs et violateurs des choses saintes, l’autorité pontificale se perdait en retentissemens inutiles pour le rétablissement de l’ordre et de la sécurité. « Les prêtres inventaient des récits de merveilles et d’apparitions pour effrayer les consciences. C’était, dit M. Villemain, le texte le plus fréquent des prédications en langue latine et en langue vulgaire. Hildebrand le traitait surtout avec une vive éloquence dont les contemporains gardèrent le souvenir. Ils nous ont même transmis un passage d’un sermon sur ce sujet qu’il prononça dans l’église d’Arezzo. On y sent ces terreurs d’imagination dont le Dante fut inspiré un siècle plus tard, et l’on conçoit aisément que les fictions de la Divine Comédie soient venues à la pensée du poète dans un pays où la religion entretenait sans cesse le peuple de semblables images. » L’Italie était donc profondément agitée et par les circonstances politiques et par le mouvement de la réforme religieuse. Alexandre II, soutenu par le génie inébranlable