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Agnès avaient placé leur espérance. L’épiscopat allemand dut conseiller à l’impératrice-mère, de s’entendre avec Hildebrand. Elle parut suivre une inclination naturelle en se rapprochant de lui, à la mort du pape Etienne ; mais par les concessions que l’entente exigeait, la grande loi ottonienne était sacrifiée, l’autorité impériale était ébranlée, la domination de l’empire sur la papauté se trouvait sapée par la base. Il ne fallait plus qu’une occasion pour émanciper complètement l’église, et dès lors le règne des Allemands en Italie était sérieusement menacé. Hildebrand sut épier cette occasion, l’attendre, la provoquer secrètement peut-être ; elle ne tarda pas à se présenter.

La mort de l’empereur ; avait surpris tout le monde, et personne n’était prêt pour une entreprise subversive. On put donc organiser sans résistance une administration nouvelle. Le gouvernail ne fut disputé par personne à la régente, ainsi qu’il était advenu lorsque l’impératrice Théophanie prit la tutelle d’Otton III. L’impératrice put même prendre paisiblement possession du duché de Bavière, qui lui avait été adjugé à la mort du duc Conrad (1056). La présence du pape Victor II facilita l’inauguration du gouvernement d’Agnès, dont la sollicitude maternelle fut bientôt mise à l’épreuve par les Saxons, qui essayèrent de s’insurger pour enlever la couronne à un enfant (1057) chez lequel ils craignaient de rencontrer un jour la main ferme de son père. Cette tentative échoua, mais elle donna l’éveil à d’autres desseins criminels. Du nord, les complots passèrent au midi de l’Allemagne. Henri III avait promis naguère au puissant Berthold de Zäringhen de lui donner le duché de Souabe après la mort du duc régnant Otton de Schweinfurt, et à titre de gage lui avait remis son anneau. Cet engagement était-il connu de l’impératrice ? On l’ignore. Tant il y a qu’Otton étant mort (1057), elle disposa du duché de Souabe en faveur de Rodolphe de Rhinfelden, auquel elle donna de plus sa fille en mariage à la suite d’un enlèvement qu’on crut avoir été simulé pour tromper les Zäringhen. Cette affaire fit du bruit. Il fallut apaiser Berthold avec le duché de Carinthie, dont il ne parut pas satisfait, et les princes allemands eurent l’œil ouvert sur les périls du gouvernement d’une femme non suffisamment prémunie contre les surprises, et qu’on accusait de s’abandonner sans réserve à la direction de l’évêque d’Augsbourg, soupçonné d’une intimité suspecte avec la jeune veuve d’Henri III. Vainement l’impératrice essaya-t-elle de satisfaire l’ambition des Nordheim et des Brunswick, et de Tanger à son parti des évêques influens, tels qu’Annon, archevêque de Cologne, personnage très considéré, fort influent dans la région rhénane, et en très bonnes relations avec Rome ; une entreprise malheureuse contre les