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félicitations publiques et empressées. La mesure était comblée dès lors, et il fut contraint de quitter la direction des affaires étrangères pour ne plus la reprendre. Encore une fois, en 1858, la condescendance dont, premier ministre, il fit preuve à l’égard du gouvernement impérial de France, qu’il avait pris en affection toute particulière, le précipita du pouvoir ; mais, quand il y rentra en 1859, l’Europe, par la présence de l’illustre lord Russell aux affaires étrangères, fut délivrée de ses anciennes inquiétudes aussi efficacement qu’elle l’est aujourd’hui par celle de lord Granville.


II

Le recueil édité par sir H. Bulwer se compose de deux parties très distinctes. Le premier volume contient des passages d’un journal de lord Palmerston, une courte autobiographie de lui et des fragmens de sa correspondance très intime avec des membres de sa famille. Le second renferme des extraits de sa correspondance diplomatique ayant trait surtout à la formation du royaume de Belgique et aux négociations qui aboutirent à la prise d’armes contre Méhémet-Ali en 1840. Une nouvelle série est promise au public, mais la mort prématurée de sir Henry Bulwer, appelé récemment à la pairie sous le titre de lord Dalling, en affligeant profondément ses nombreux amis des deux côtés de la Manche, a interrompu le travail qu’il poursuivait avec le zèle le plus affectueux. Le contraste que nous avons signalé dans la politique intérieure et extérieure de lord Palmerston se révèle d’une façon non moins accusée dans sa correspondance. Rien de plus agréable, de plus enjoué, de plus profondément sagace et judicieux que tout ce que renferme le premier volume ; mais, quelque soigneusement triés et expurgés qu’aient évidemment été les extraits publiés dans le second, les défauts du tempérament diplomatique de lord Palmerston ne cessent de s’y trahir. Il est piquant de retrouver, sous la plume de celui que notre génération a vu si longtemps en scène, des détails sur la mort de Fox, sur les manœuvres électorales de ses successeurs. Voici les renseignemens authentiques sur la campagne d’Iéna qui arrivent jour par jour en Angleterre par l’entremise de ses agens ou des réfugiés mêmes de la défaite. Au moins, dans nos récens désastres, la constance de nos soldats durant leurs plus rudes épreuves a été pleinement reconnue par nos ennemis ; mais en 1806, quel sacrifice de l’honneur militaire dans les rangs des armées formées à l’école du grand Frédéric ! Elles n’affrontent même pas le choc ; dès les premières décharges de la mitraille, la panique est au comble, la débandade