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approuvé, elle avait exigé même l’ajournement de toutes les questions intérieures pour se livrer tout entière au souci de son duel à mort contre la France révolutionnaire et impériale ; mais, la paix survenue, le premier prestige de la victoire éclipsé, les partisans des sages et équitables réformes trop longtemps ajournées devaient reprendre leur légitime ascendant. M. Canning n’avait jamais cessé de les représenter loyalement dans le ministère comme dans le parlement, et c’est à lui que, d’un consentement presque unanime, incomba la tâche de les faire prévaloir avec toute l’autorité du gouvernement. Le concours de lord Palmerston lui était assuré d’avance. Sur la question catholique, sur les réformes financières et économiques, sur l’aspect complètement modifié des relations extérieures du pays, il n’avait cessé de professer publiquement les doctrines de son nouveau chef. Après avoir accepté la coopération de la sainte-alliance pendant la grande guerre, l’Angleterre avait hâte, la paix pleinement rétablie, de s’affranchir de toute apparence d’appui prêté à ses alliés couronnés dans leur lutte contre les justes revendications de leurs sujets. La fermeté avec laquelle M. Canning s’était rendu l’organe transcendant de cette aspiration avait beaucoup contribué à sa grande popularité, non moins au dehors qu’à l’intérieur ; mais elle avait éloigné de lui une portion notable des tories, portés à le considérer comme un transfuge, sans lui rallier suffisamment les whigs, qui ne pouvaient pas le voir avec indifférence leur dérober ainsi leur programme. Au bout de quelques mois, il succombait à la peine, nouvel et lamentable exemple des exigences dévorantes du premier rang. Lord Goderich, mieux connu plus tard comme lord Ripon, essaya de maintenir la fortune du parti intermédiaire ; toutefois les dissensions intérieures et les attaques combinées du dehors devaient bientôt rendre impossible une tâche au-dessus de ses forces. Le duc de Wellington, momentanément éloigné des affaires, fut appelé par le roi et chargé de former un ministère où l’élément conservateur reprendrait une prépondérance décisive. Il écarta cependant lord Eldon et quelques autres représentans de la résistance extrême ; il fit à M. Huskisson et aux principaux adhérens de M. Canning une position qui leur permît d’abord de s’associer à lui sans aucun sacrifice de leurs vues ou de leur influence, mais la lutte des deux tendances si distinctes ne tarda point à paralyser l’action du gouvernement nouveau. L’intéressant journal de lord Palmerston, qui a été publié par sir H. Bulwer, et dont nous aurons à parler plus tard, donne à cet égard les plus piquans renseignemens. Tous les jours, de profonds dissentimens, des controverses prolongées, se terminant le plus souvent soit par des concessions réciproques plus apparentes que réelles, soit par