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modèle, car nous n’avons eu jusqu’à ce jour ni postes ni télégraphes de campagne, et le gouvernement a toujours attendu le lendemain de la déclaration de guerre pour inviter l’administration des finances à réunir hâtivement un personnel et un matériel d’emprunt. L’organisation allemande, quoique permanente, n’impose aucune charge en temps de paix, les agens qui en font partie ayant leur place marquée dans les bureaux ordinaires. Dès le 25 juillet 1870, elle était mise sur le pied de guerre avec 1,646 agens, 1,933 chevaux et 465 voitures. A la même date, les employés non mobilisés reçurent un avis où se reflètent les préoccupations qui dominaient alors les esprits au-delà du Rhin malgré certaines fanfaronnades bien connues. Dans la prévision d’un envahissement du territoire allemand, l’administration des postes défendit à son personnel, sous peine de révocation immédiate, de se mettre en rapports avec les chefs de l’armée française, et pour enlever tout prétexte à la défection elle fit payer à chacun, par anticipation, les émolumens de six mois[1]. Dès que les troupes fédérales eurent franchi notre frontière, la poste militaire organisa, entre la mère-patrie et chaque corps d’armée, quatre courriers par jour. Le nombre des lettres et des cartes postales atteignit bientôt de telles proportions, qu’il fallut improviser six grands bureaux à Berlin, Leipzig, Mayence, Cologne, Francfort et Sarrebruck, comme intermédiaires entre le service de l’armée et celui de l’intérieur. Chacun de ces bureaux recevait journellement de 60,000 à 80,000 objets, celui de Berlin 200,000. Par une iniquité au moins singulière, surtout dans un pays où l’on pratique l’égalité devant la loi militaire, les lettres des officiers devaient être expédiées plus rapidement que celles des soldats. Afin d’assurer la direction des correspondances, l’administration remettait tous les matins aux employés une feuille imprimée indiquant la position des divers corps de troupes, et les commandans généraux avaient reçu l’ordre de fournir successivement à cet égard des renseignemens très précis. Les paquets à l’adresse de l’armée, centralisés d’abord à Berlin et à Sarrebruck, étaient dirigés ensuite sur des dépôts spéciaux établis à Metz, Lagny, Dammartin, Corbeil, Épinal, Orléans et Amiens, et, lorsque les destinataires se trouvaient trop éloignés pour en opérer eux-mêmes le retrait, la poste se chargeait de les leur expédier par un service spécial de voitures. C’est ainsi que le dépôt de Lagny a desservi pendant quelque temps la 17e division d’infanterie cantonnée près de Chartres, c’est-à-dire à 135 kilomètres. L’administration des chemins de fer tenait chaque

  1. Deutschland’s Feldpost. Ein Gedenkblatt an den deutsch-französischen Krieg, p. 21.