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l’avons vu, de cette éloquence incomparable dont les premiers accens arrachèrent des larmes d’admiration à la chambre des communes, et qui devait exercer sur elle cette noble domination de vingt ans. Préoccupé surtout du soin d’avancer sûrement et à pas sagement mesurés, lord Palmerston, non point par défaut d’ambition, mais par les inspirations d’une ambition circonspecte et réfléchie, refusa un avancement prématuré, et préféra le poste aussi laborieux, quoique moins éminent, de secrétaire d’état de la guerre.

Les lettres qu’il échangea sur ce point avec son fidèle conseiller, lord Malmesbury, sont intéressantes à relire : elles accusent une modestie méritoire, un vif désir d’exercer des fonctions importantes qui développent ses forces présentes sans les surpasser, un plus grand désir encore de ne s’exposer à aucun échec mérité, la crainte enfin de tout compromettre par une élévation périlleuse et prématurée. En définitive, il se prononça, comme nous l’avons dit, pour le poste de secrétaire d’état de la guerre, et il déclina l’entrée au conseil, qui lui fut offerte en même temps. Les motifs de ce dernier refus, tels qu’il les indique à lord Malmesbury, caractérisent son esprit pratique et sérieusement assidu : ses relations intimes avec le premier ministre lui permettront de savoir tout ce qui se passera de réellement intéressant dans le cabinet ; pour le reste, son temps sera plus utilement employé à se rendre maître absolu de tous les détails de son département. Ses nouvelles fonctions ne comprenaient point, il est vrai, tout ce que le titre semblerait annoncer. Le département général de la guerre était partagé alors en trois directions très distinctes. Le commandant en chef, le duc d’York, fort aimé et fort considéré malgré ses insuccès dans les Pays-Bas, était chargé de tout ce qui tenait au personnel et à la discipline de l’armée ; un secrétaire d’état présidait aux opérations actives ; un autre était chargé de la comptabilité et de tous les rapports du département avec la-chambre des communes. Ces dernières attributions furent celles de lord Palmerston, et il les exerça durant dix-neuf années consécutives avec une distinction et un succès signalés.

Associé ainsi plus directement à la grande lutte de son pays contre Napoléon, lord Palmerston, comme sa correspondance intime en fait foi, ne douta jamais du résultat final. Le triomphe définitif confirma pour longtemps la toute-puissance du parti et du gouvernement qui l’avaient remporté ; à la mort tragique de M. Perceval, assassiné en 1812 par un solliciteur à l’entrée de la chambre des communes, lord Liverpool avait été appelé au premier rang, et il ne cessa aussi de l’occuper jusqu’à sa mort, en 1827. Cependant la prépondérance de l’école de la résistance extrême qu’il représentait déclinait sensiblement depuis quelque temps. L’Angleterre avait