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satisfaire ce besoin, qui, bien dirigé et utilisé, en ferait des gymnastes de premier ordre. Le gymnase de l’institution est grand et bien approprié, mais il est interdit aux élèves, qui ne peuvent s’y rendre que pendant une heure chaque semaine sous la surveillance d’un professeur spécial. Autrefois les cordes lisses, les cordes à nœuds, les perches pendantes, les trapèzes, flottaient en liberté accrochés au portique ; il n’en est plus ainsi aujourd’hui : tous ces engins, sévèrement serrés, ne sont remis en place qu’au moment de la leçon. On a cru devoir prendre ce parti cruel pour décourager les enfans qui se sauvaient de la classe, et s’en allaient seuls grimper le long des mâts, se balancer dans les airs et manœuvrer les haltères. La plus grande récompense qu’on puisse accorder à un sourd-muet, c’est de l’autoriser à se rendre à la gymnastique. N’est-ce pas là une indication très sérieuse et dont il faut tenir compte ? Ces pauvres êtres trouvent dans ces exercices à la fois violens et habilement combinés une jouissance salutaire qui les apaise et les fortifie. Je voudrais, au double point de vue de l’hygiène et de la morale, que les leçons de gymnastique fussent multipliées jusqu’à devenir quotidiennes, et que pendant les récréations réglementaires le gymnase, outillé de tous ses agrès, ne fût jamais fermé. Il en est de même de la natation, qui constitue pour eux un plaisir sans pareil, et qu’il est bon de leur procurer sans restriction. Les professeurs savent bien que leurs élèves les plus turbulens, les plus portés à toute sorte de désordres, deviennent patiens, attentifs et convenables lorsqu’ils ont pu dépenser aux bains froids le trop-plein de force qui les étouffe.


III

Le but de l’institution n’est pas seulement de donner une instruction théorique à ces infirmes. C’est déjà beaucoup, en leur montrant à lire et à écrire, de leur fournir un moyen de communication générale, mais ce n’est pas assez, et l’on s’efforce de leur apprendre un état qui plus tard sera leur gagne-pain. Après quatre ans de classe, lorsque l’enfant commence à sortir de sa gangue, on l’étudie au point de vue de ses aptitudes, on l’interroge sur la carrière qu’il veut embrasser, on consulte sa famille, et on le fait entrer dans un atelier, de façon à partager son temps entre l’apprentissage et la continuation des études. L’hésitation ne doit pas être longue, car le choix est singulièrement limité et ne peut s’exercer que sur sept métiers différens : jardinier, cordonnier, menuisier, lithographe, tourneur, relieur et sculpteur sur bois. Les