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remettre le pouvoir ? Laisserait-elle au contraire à M. Gladstone le soin de rétablir la position momentanément ébranlée ? C’est là ce qu’on s’est demandé tout d’abord. La majorité qui s’est prononcée contre le cabinet était, à la vérité, fort peu significative, elle se composait d’élémens très incohérens, elle était le produit instantané et fortuit de circonstances où la politique générale du gouvernement n’était point en jeu. D’un autre côté, la dissolution du parlement, cette dissolution qui semble peu en faveur dans l’opinion, apparaissait désormais comme une nécessité, soit pour raffermir le ministère actuel, soit pour donner à un ministère nouveau les moyens de gouverner. Ainsi se présentaient subitement les choses dans cette récente nuit de combat parlementaire où M. Gladstone a essuyé une défaite à laquelle il ne s’attendait peut-être pas. Quel sera le dénoûment de cette crise ? Jusqu’ici il n’y a que deux faits certains. M. Gladstone a décidément offert sa démission et M. Disraeli a été appelé par la reine ; mais c’est là moins une solution que le préliminaire d’une solution. Évidemment M. Disraeli ne pourrait exercer le pouvoir avec quelque chance de succès dans les conditions où il se trouve placé. Il n’a point de majorité dans la chambre des communes. La majorité qui a renversé le ministère ne lui appartient pas. Il ne reste donc que trois issues : ou une dissolution immédiate du parlement suivie d’élections auxquelles présiderait M. Disraeli, ou la rentrée de M. Gladstone au pouvoir avec la même faculté de dissoudre au besoin le parlement, ou un ministère de transition conduisant la session jusqu’à la fin de l’été, de façon à ne rien précipiter. Dans tous les cas, la politique anglaise n’en sera pas sans doute sérieusement affectée.

Le parlement fédéral de l’empire d’Allemagne vient de s’ouvrir à Berlin. Que l’empereur Guillaume parle dans son discours de la réorganisation du système de fortification, de la répartition de l’indemnité de guerre, des projets pour la création de la flotte, d’une loi militaire générale, ce sont là des questions qui regardent surtout l’Allemagne. Il y a du moins dans le discours d’inauguration une parole faite pour avoir un certain retentissement en France. L’empereur Guillaume ne méconnaît pas la fidélité scrupuleuse de la France à ses obligations, ni même l’empressement qu’elle met à devancer les termes du paiement de l’indemnité qui lui a été infligée. Il laisse entrevoir la possibilité de règlemens financiers dont la conséquence doit être l’évacuation complète des territoires occupés à une époque plus rapprochée qu’on ne l’avait cru. C’est une sanction indirecte et souveraine des négociations qu’on prétend être déjà engagées, quoiqu’elles ne puissent conduire à un résultat définitif qu’après l’acquittement complet, et maintenant assez prochain d’ailleurs, du quatrième milliard de notre lourde rançon. Nous en sommes là, l’empereur Guillaume lui-même ne refuse pas cet hommage à la vérité. Après deux années qu’on dit quelquefois si mal employées, nous aurons payé quatre milliards ! L’Allemagne peut se les partager. Le