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gouvernement central contre les chrétiens y étaient parvenus. Il protesta immédiatement contre les mesures prescrites par les autorités japonaises. Peu de jours après, il rejoignit à Yokohama les autres membres du corps diplomatique. D’après les informations que rapportait sir Henry Parker, il y avait lieu d’espérer que les autorités locales auraient de grandes difficultés à mettre leur funeste projet à exécution. En effet, les chrétiens étaient dispersés et cachés, et, à moins qu’ils ne vinssent volontairement se constituer prisonniers, il fallait un assez long temps pour déporter trois ou quatre mille personnes. La première pensée des agens diplomatiques fut de demander au gouvernement du mikado l’envoi d’ordres immédiats pour suspendre les mesures édictées. Dans le milieu de janvier 1870, ils rédigèrent une note collective par laquelle ils réclamaient cette suspension et demandaient en même temps une entrevue aux principales autorités du gouvernement. Le surlendemain, les ministres de France, d’Angleterre, des États-Unis et de la confédération de l’Allemagne du nord se trouvaient réunis dans un des palais de Yeddo, où ils avaient une conférence de cinq heures avec le premier ministre et plusieurs des plus hauts fonctionnaires de l’empire. Il résultait clairement de cette entrevue que les accusations de querelles ou d’insubordination formulées contre les chrétiens d’Ourakami n’étaient que des prétextes ; on les déportait uniquement parce qu’ils professaient la religion chrétienne et pour les éloigner du voisinage des Européens. Les agens des puissances espéraient, comme nous venons de le dire, qu’une partie au moins des chrétiens auraient pu échapper aux recherches des autorités. Ils insistèrent donc pour que les ordres de suspendre les mesures prescrites fussent envoyés sans délai à Nagasaki, et se réservèrent d’examiner en commun ce qu’il serait possible de faire pour les malheureux qui avaient déjà été déportés. Les ministres japonais promirent de faire partir le lendemain le contre-ordre demandé.

Cependant la persécution conservait le caractère le plus grave ; elle était d’autant plus injustifiable que, d’après des rapports authentiques, les chrétiens, s’ils refusaient de se soumettre aux exigences des bonzes, n’en étaient pas moins très exacts à remplir tous les devoirs envers l’autorité. Leurs impôts étaient payés très régulièrement, et ils résistaient si peu à la police qu’à la première injonction ils étaient venus se livrer eux-mêmes aux autorités de Nagasaki pour être déportés. Quant aux querelles avec les habitans, les seuls faits articulés par les ministres japonais étaient de la dernière insignifiance et n’avaient pas même donné lieu à des poursuites. Depuis les premières persécutions de 1867, les missionnaires avaient cessé de dire l’office dans les maisons japonaises ou de s’y livrer à la prédication, et ces deux griefs écartés, on ne