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fin de l’année dernière, la ville de Yokohama est éclairée au gaz. C’est un ingénieur français qui a été chargé de l’installation des appareils commandés en Europe. D’autres améliorations de même nature sont en voie de réalisation tant à Kioto qu’à Yeddo.

Le grand-duc Alexis de Russie s’étant rendu au Japon en novembre, le gouvernement du mikado mit un certain plaisir à montrer à ce prince l’ensemble des progrès accomplis. Deux jours après son arrivée à Yeddo, le grand-duc fut reçu par le souverain au palais du Siro, et le lendemain le mikado lui rendit sa visite. Parmi les fêtes qui eurent lieu à cette occasion, la plus caractéristique fut peut-être une revue des troupes japonaises passée par le mikado et son hôte, qui étaient tous deux assis dans la même voiture. La mission militaire française assistait à cette revue. Après le défilé, le grand-duc félicita le colonel Marquerie de la bonne tenue des troupes placées sous les ordres de cet officier. En sortant du terrain de manœuvre, les agens diplomatiques furent invités à se rendre au palais en même temps que le grand-duc Alexis, et ce ne fut pas sans surprise qu’ils se virent tout à coup en présence de l’impératrice, à laquelle ils furent présentés par le mikado son époux. C’est la première fois que la souveraine du Japon se montrait en public.


III

Quelles que soient les réformes adoptées au Japon, il ne faudrait pas juger ce pays avec un optimisme exagéré ; ce serait une grande erreur de croire que l’ancienne intolérance n’ait laissé aucune trace, et que les sentimens de défiance invétérés dans la population contre toute idée étrangère se soient complètement dissipés. Si la nouvelle politique a de nombreux adeptes, elle a aussi des adversaires acharnés, et certains faits partiels attestent çà et là combien les haines aveugles sont encore vivaces dans un pays qui considéra si longtemps les étrangers comme des barbares. C’est surtout en matière religieuse qu’on a de la peine à détruire les vieux préjugés. Le christianisme a toujours éveillé au Japon des susceptibilités très vives, et les dernières années ont vu se produire des faits d’intolérance et de persécution dont les puissances ont eu raison de s’émouvoir. M. de Rémusat a eu récemment l’occasion de fournir à la tribune de l’assemblée nationale quelques explications sur des événemens dont le caractère n’avait pas été toujours très exactement apprécié ; on avait été jusqu’à dire que les représentans des puissances étrangères, notamment ceux de la France, n’avaient pas protégé avec assez de vigueur les intérêts du christianisme au Japon. Il suffit de jeter un coup d’œil sur la question religieuse dans