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On assiste dans l’empire du mikado à un véritable engouement pour les coutumes, pour les modes, pour les langues étrangères. L’instruction de l’armée doit se faire en français, celle de la marine en anglais, l’école de médecine sera allemande, celle d’agriculture, américaine. Tout les monde reconnaît la nécessité de recourir aux lumières et à l’expérience des étrangers. C’est à un ingénieur français, M. Verny, qu’est due la création de l’arsenal maritime de Yokoska, qui a été inauguré officiellement le 28 mars 1871 et qui a complété son organisation par l’ouverture d’un magnifique bassin de radoub. Après cinq années d’efforts persévérans, cet ingénieur, qui avait sous ses ordres un personnel français, atteignit complètement le but qu’il s’était proposé. L’inauguration fut faite avec un grand éclat par Ironsounngawamia, oncle du mikado et ministre de la guerre. Les représentans étrangers répondirent avec empressement à l’invitation qui leur avait été adressée, et la petite baie de Yokoska vit arriver des navires de guerre de toutes les nationalités. Après avoir assisté à l’ouverture du bassin et au lancement d’un navire sur une cale à sec, les autorités visitèrent tous les ateliers destinés non-seulement à la réparation, mais aussi à la construction des vaisseaux du plus grand modèle ; la cérémonie fut complétée par un banquet de cent couverts, qui, pour la première fois, réunissait à la même table les plus hauts dignitaires du Japon et les notabilités de la colonie étrangère de Yokohama.

Presque au même moment fut créé un autre établissement d’une réelle importance. Le gouvernement a l’intention d’introduire au Japon un système monétaire en rapport avec les développemens de ses relations commerciales. En 1868, il achetait à Hong-kong tout un matériel qui était sans emploi par suite de l’insuccès des tentatives faites en Angleterre pour répandre en Chine de nouvelles pièces à l’effigie anglaise, et, à la suite de cet achat, un magnifique Hôtel des Monnaies fut installé à Osaka sous la direction d’ingénieurs britanniques. Cette nouvelle réforme n’étant pas sans difficultés dans un pays où les droits de souveraineté sont l’objet de tant de litiges, les autorités japonaises obtinrent que les représentans étrangers prêtassent leur concours moral en assistant à l’inauguration solennelle de cet établissement, qui eut lieu en avril 1871 avec la même pompe que celle de l’arsenal de Yokoska.

C’étaient là des symptômes qui furent suivis de faits plus significatifs encore. On connaît l’importance que les questions d’étiquette ont dans l’extrême Orient, et l’on sait de quel mystère pour ainsi dire religieux s’enveloppait depuis des siècles la personne des mikados. Quel ne fut donc pas l’étonnement de la colonie européenne quand tout à coup le souverain se montra non-seulement