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ce qui lui manque. Sois d’accord avec les serviteurs qui sont à mon côté, et joins ta force à la leur. Travaille à la gloire de mon gouvernement, et fais en sorte que je réussisse à accomplir jusqu’au bout l’œuvre de la réforme. » La réponse du prince de Satzouma se ressentait du prestige que le mikado exerce sur les grands feudataires. « C’est en me prosternant, disait le daïmio, que j’ai écouté la parole impériale. Des questions d’une pareille importance ne sont-elles pas bien au-dessus de l’obscure intelligence d’un serviteur tel que moi ? » Il exprimait ensuite ses vœux sincères pour le succès de la réforme. Le prince Tosa et le prince de Nagato suivirent l’exemple du prince de Satzouma, et fournirent chacun trois bataillons de leurs troupes pour former le noyau de l’armée impériale. Il s’agissait de fondre ces divers détachemens en un seul corps, sans distinction de clan ou d’origine, de leur donner une tenue et des règlemens uniformes, en laissant le choix des officiers au gouvernement du mikado et en appliquant aux nouvelles troupes l’instruction militaire française. Chose bien digne de remarque, nos derniers revers ne portèrent point atteinte à la sympathie des Japonais pour notre armée. Le ministre des affaires étrangères du mikado disait à notre représentant après notre lutte fatale contre l’Allemagne : « Nous connaissons les malheurs que la guerre a infligés à la France, mais cela n’a changé en rien notre opinion sur les mérites de l’armée française, qui a montré tant de bravoure contre des troupes supérieures en nombre. » On aurait pu croire que les Japonais, comme tant de courtisans de la fortune et d’adorateurs du succès, n’auraient plus désormais d’admiration que pour la Prusse, et que tout dans leur armée se ferait à la mode prussienne. Ce fut précisément le contraire qui arriva. Le mikado nous demanda une mission militaire française, et voulut que notre langue fût la langue du commandement de ses troupes. N’est-il pas curieux qu’au moment où tant de Français blasphèment contre leur patrie, elle trouve dans l’extrême Orient des peuples qui lui rendent justice et qui respectent ses malheurs ?

Le gouvernement du mikado fit acte d’autorité. Il procéda rigoureusement à de nombreuses destitutions. Un des principaux daïmios, le prince de Tchikouzen, fut relevé de ses fonctions par décret, en juillet 1871, et remplacé par un oncle du mikado. Peu de jours après, un décret bien autrement radical encore transformait tous les han ou daïmiats en simples ken ou départemens. Jusqu’à nouvel ordre, ces circonscriptions territoriales conservaient l’ancien nom du clan, mais le gouvernement central se réservait le droit d’y envoyer des gouverneurs. Le mikado annonçait cette résolution aux divers daïmios par un message en date du 29 août 1871, dans lequel il manifestait formellement l’intention de placer son empire