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la lutte étaient complètement dispersés ou battus. Le prince de Aidzou et les autres daïmios du nord n’essayaient plus de combattre. Les princes du sud se groupaient fidèlement autour du trône du mikado. La tranquillité se rétablissait partout dès le commencement de 1869, et à la fin de la même année le gouvernement de ce souverain amnistiait le prince de Aidzou et tous les daïmios qui avaient pris part à l’insurrection du nord, ainsi que tous leurs officiers et tous leurs adhérens. Énergiquement appuyé par les quatre grands chefs de l’aristocratie du sud, les princes de Satzouma, de Nagato, de Hizon et de Tosa, le mikado était devenu absolument le maître de la situation. Ce fut à partir de ce moment qu’il inaugura avec une vigueur remarquable la politique réformatrice qui s’est développée depuis trois ans.


II

La première pensée du gouvernement après la chute du taïcounat fut d’accomplir une réforme complète dans l’organisation politique et administrative du Japon. Le mikado et ses ministres se proposèrent de réaliser l’unification, non pas nominale, mais réelle de l’empire, en centralisant les pouvoirs entre les mains du souverain dont personne ne conteste la légitimité, mais qui en fait, sinon en droit, avait laissé échapper au profit du taïcounat une partie des prérogatives impériales. Le taïcoun une fois renversé, il fallait reconstruire sur les débris de son autorité toute celle du mikado. Ce n’était point là d’ailleurs une tâche très facile. On devait agir avec une prudente lenteur, tenir compte des élémens hétérogènes du pays, ne pas heurter de front les coutumes féodales, et ne pas froisser les susceptibilités des grands daïmios. La suprématie religieuse et politique du mikado a toujours été reconnue en principe ; il s’agissait de la faire entrer en pratique. La plupart des daïmios remirent leurs pouvoirs entre les mains du chef de l’état, et firent abandon en sa faveur d’une grande partie de leurs revenus. C’était là le point de départ d’une centralisation des finances publiques. Il fallait ensuite organiser une force militaire compacte. Ce fut à la création de cette armée impériale que tendirent les efforts du gouvernement. Il pensa que le moyen le plus pratique pour arriver à ce but était de faire appel au concours de ceux des daïmios qui avaient déjà des troupes organisées, et le prince de Satzouma, donnant l’exemple, consentit à fournir les quatre bataillons qui devaient former le noyau de la nouvelle armée. En 1871, le mikado avait écrit à ce prince une lettre où il lui disait dans le style figuré de l’extrême Orient : « Deviens le soutien de mon pouvoir. Sois pour moi ce que sont les ailes d’un oiseau à ses jambes. Viens prêter à mon autorité