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LE JAPON
DEPUIS L'ABOLITION DU TAICOUNAT

Au moment où éclata la rupture entre la France et l’Allemagne, les personnes que l’approche d’une lutte funeste ne détournait pas de l’étude des questions internationales ne songeaient pas sans de vives appréhensions à nos rapports avec les contrées de l’extrême Orient. La nouvelle du massacre de Tien-Tsin causait une émotion profonde ; on y voyait un sinistre présage, et l’on se demandait avec inquiétude si le fanatisme qui avait fait explosion dans la ville chinoise ne se répandrait pas sur d’autres points de ces lointaines régions. La France, forcée de faire face à de si grands périls sur sa propre frontière, pourrait-elle exercer à l’autre extrémité du monde l’influence nécessaire à la protection de son commerce ? Les gouvernemens asiatiques n’allaient-ils pas profiter des difficultés avec lesquelles nous nous trouvions aux prises pour réagir contre des résultats si laborieusement obtenus ? Grâce à Dieu, de pareilles craintes ne se sont pas réalisées. Les événemens de Tien-Tsin n’ont eu nulle part leur contre-coup, nos relations avec la Chine se sont maintenues sur un bon pied ; notre marine a conservé son renom, l’activité de notre commerce ne s’est pas ralentie, et nos désastres, loin de nous nuire auprès de ces peuples, ont peut-être contribué à nous les concilier, en dissipant chez eux les appréhensions que notre puissance leur avait d’abord inspirées. Ils ont peut-être enfin compris que nous sommes en définitive leurs amis véritables, et qu’au lieu d’entretenir des projets égoïstes ou des arrière-pensées ambitieuses, nous n’avions d’autre but que de nous créer avec eux des rapports sincèrement pacifiques.

C’est au Japon surtout que nous pouvons constater cet heureux symptôme. Depuis 1868, année où le taïcounat fut renversé, on a vu se produire au Japon un ensemble de faits qui constituent