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nulle part on ne sacrifie d’aussi bonne grâce au désir d’instruire la tentation d’afficher son propre savoir. Tandis qu’ailleurs, sous prétexte d’éclaircir jusqu’au bout chaque question, on n’arrive guère qu’à multiplier les détails inutiles ou à rassembler sans choix les témoignages, ici l’on procède avec une érudition d’autant plus réservée qu’elle est en réalité moins égoïste et au fond mieux munie. Cette sobriété dans les explications scientifiques aussi bien que dans la méthode littéraire, ce goût et cet esprit de mesure en toutes choses tiennent sans doute aux privilèges naturels du génie national, mais ils tirent aussi de certaines circonstances une raison d’être nouvelle et un surcroît de certitude.

N’est-il pas juste par exemple d’attribuer, au moins en partie, l’heureux renouvellement de la science archéologique dans notre pays à l’influence exercée par l’école d’Athènes ? institution excellente qui, en élevant le niveau des études sur l’antiquité, a permis en même temps aux jeunes savans, membres de cette école, d’entrer par leurs travaux réglementaires en communication avec le public, comme l’Académie de France à Rome fournit à la fois aux artistes pensionnaires les moyens de perfectionner leurs talens et les occasions de les faire connaître : institution rapidement féconde, puisque en moins de trente années elle a produit dans le domaine de la philosophie, de l’histoire ou de l’érudition proprement dite, les remarquables travaux auxquels MM. Charles Lévêque, Mézières, Beulé, Perrot, Heuzey, Wescher et plusieurs autres ont attaché leurs noms. De leur côté, les pensionnaires de l’Académie de France à Rome ne trouvent-ils pas le plus utile complément pour leur éducation d’artistes dans le séjour momentané que les règlemens les autorisent à faire auprès des membres de l’École d’Athènes ? De même que ceux-ci, en venant à Rome, achèvent de s’initier aux secrets de l’art par un commerce familier avec les hôtes de la villa Médicis, de même les jeunes peintres, les jeunes architectes surtout, ne peuvent que gagner à visiter la Grèce en compagnie de ceux qui font profession d’en étudier l’histoire et d’en consacrer scientifiquement les souvenirs. Il y a là mieux qu’un élément d’émulation entre gens appelés à cheminer dans des voies différentes et n’ayant de commun entre eux que le désir d’atteindre leur but ; il y a une action directe et réciproque, un échange d’influences profitable au progrès, puisque la science se trouve ainsi ranimée par le sentiment raisonné de l’art, et que l’art à son tour, en s’appuyant sûr la science, devient par cela même plus robuste et plus sûr de lui.

Dira-t-on que, pour faire acte d’artiste, il n’est pas nécessaire après tout d’être si grand clerc en matière d’érudition, que les aptitudes instinctives suffisent, qu’enfin la faculté de sentir