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près chaque question spéciale, il ne la sépare pas pour cela des faits plus propres encore à intéresser la pensée, et les succès d’autrui le touchent d’autant mieux qu’il fait à cette occasion un retour sur lui-même et sur les joies du même genre qui lui ont été données.

A vrai dire, tout n’est pas bonheur pourtant, tout n’est pas joie sans mélange dans ces succès, quelque sécurité qu’ils semblent promettre à ceux qui les ont obtenus, quelque légitime orgueil qu’ils doivent d’abord leur inspirer. Veut-on savoir quelles déceptions cruelles, quels inconsolables regrets peut laisser après soi l’événement archéologique le plus heureux en apparence ? Qu’on lise dans l’ouvrage de feu M. des Vergers, l’Etrurie et les Étrusques, ou dans l’analyse de cet ouvrage par M. Beulé, le récit de ce qui a suivi la découverte presque merveilleuse faite en 1857 sur le territoire de Vulci. Au commencement, les fouilles entreprises par M. des Vergers aux lieux mêmes où s’étendait la nécropole de la ville antique n’avaient révélé d’autre excavation souterraine qu’une grotte artificielle, entièrement vide, et dont les parois, sans aucune trace d’ornemens, n’indiquaient nullement la destination d’une chambre sépulcrale. A quoi bon toutefois cette excavation, résultat évident d’un travail de main d’homme ? Peut-être, à défaut de signification en elle-même, avait-elle, par rapport à ce qui l’avoisinait, l’utilité d’un moyen préservatif ; peut-être avait-elle été faite pour empêcher l’humidité de la terre d’atteindre en s’infiltrant quelque crypte inférieure préparée pour recevoir les corps. Les fouilles furent donc reprises et poussées au-delà du sol de cette première grotte. A 12 mètres de profondeur, on trouva une avenue conduisant à une autre salle, à une véritable tombe cette fois, dont la pierre qui en fermait l’entrée depuis plus de vingt siècles allait, en se brisant sous les derniers coups de pic, livrer les solennels mystères aux regards des explorateurs stupéfaits.

Qu’on se figure l’émotion que durent éprouver ceux qui pénétraient ainsi tout à coup les secrets si longtemps respectés de cet asile de la mort, en voyant le passé se présenter à eux face à face pour ainsi dire, en contemplant à la lueur des torches non-seulement ces voûtes dont rien depuis plus de deux mille ans n’avait troublé l’obscurité et le silence, mais les hôtes eux-mêmes de cette nécropole, avec les vêtemens qui les couvraient à l’époque où leurs corps y avaient été déposés, avec tout ce qu’ils avaient gardé à travers les âges de la civilisation à laquelle ils avaient appartenu !

« L’antique Étrurie, dit M. des Vergers, nous apparaissait comme au temps de sa splendeur. Sur leurs couches funéraires, des guerriers recouverts de leurs armures semblaient se reposer des combats qu’ils avaient livrés aux Romains ou à nos ancêtres les Gaulois. Formes, habillemens, étoffes, couleurs, » tout était nettement