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pour tirer parti des circonstances imprévues qui se produisent, ou, le cas échéant, pour avoir raison des obstacles. Et combien d’autres émotions peuvent s’ajouter encore à celles-là ! Quelles impressions profondes l’explorateur ne recevra-t-il pas du silence solennel qui l’environne, de l’aspect des lieux où il opère, de l’aube pleine de promesses d’un jour qui éclairera peut-être sa victoire ou du crépuscule attristé qui vient clore une série d’heures stériles ! M. Beulé, qui a bien connu ces émotions, les a plus d’une fois décrites en homme dont le temps et de nouveaux devoirs n’ont pas plus refroidi l’enthousiasme que déconcerté les souvenirs. Il y a quelques années, dans une solennité académique où il rendait hommage à la mémoire, et aux travaux de son confrère M. Hittorff, il parlait avec une chaleur communicative des agitations saines, des légitimes ivresses réservées à celui qui entreprend de remuer un sol consacré par l’histoire pour y découvrir les restes vénérables de l’antiquité… « Les jours même, ajoutait-il, où la pioche de ses ouvriers ne rencontre que des gravois et des tessons, il entend des voix sans paroles, il entrevoit des ombres colorées… Il n’est jamais seul dans sa solitude. Les cigales qui chantent dans l’olivier voisin, la bise qui fait siffler doucement le feuillage des pins, les flots qui expirent sur la plage avec un murmure cadencé, tout lui parle, tout a un sens, tout est pour son oreille comme le bruit de la société antique qui s’agite autour de lui. La beauté du climat ajoutée l’illusion des souvenirs, et la poésie des ruines devient à son tour une source d’inspiration. »

Les deux volumes récemment publiés témoignent à chaque page de cette sagacité du savant vivifiée par les passions de l’artiste, soit que M. Beulé nous retrace jour par jour les difficultés de plus d’une sorte qu’il lui a fallu vaincre, les découvertes partielles, dont il s’encourageait, chemin faisant, avant d’arriver dans ses fouilles de l’Acropole à la pleine possession du trésor pressenti, — soit que, résumant les recherches qui devaient ailleurs encore aboutir à la justification de ses hypothèses érudites, il décrive l’effort tenté par lui pour retrouver à Carthage sous les ruines des constructions romaines quelque chose des anciennes constructions puniques, et pour reconnaître, pour relever avec une entière certitude le plan des ports de la ville. Enfin, s’agit-il de faire ressortir les mérites d’autres entreprises, la valeur d’autres trouvailles auxquelles il n’a point eu de part, de démontrer par exemple l’importance des conquêtes de M. Newton en Asie-Mineure, de M. Mariette en Égypte, de MM. Smith et Porcher à Cyrène, l’auteur des Fouilles et découvertes ne marchande pas plus la louange à ses rivaux qu’il ne renonce, même en traitant des sujets d’archéologie pure, à ses inclinations esthétiques et à ses habitudes littéraires. S’il examine de