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habitudes un peu pédantesques où la science affectait de se cantonner se sont facilement laissé prendre aux avances qu’elle leur a faites de bonne grâce. De leur côté, les antiquaires de profession ont renoncé à leur rôle de docteurs à huis-clos pour celui d’instituteurs publics, d’initiateurs à la façon des artistes, et l’on serait maintenant aussi mal venu à se passer du beau dans l’exposé ou l’interprétation des faits archéologiques qu’à négliger l’examen de ces faits mêmes, sous le prétexte qu’ils n’ont qu’une utilité indirecte ou qu’ils n’intéressent qu’une étroite curiosité.

Parmi les hommes qui dans notre pays se sont appliqués à déterminer cette réforme, à stimuler ou à confirmer ces progrès, M. Beulé, on le sait, a depuis longtemps déjà marqué sa place. Lorsque, il y a plus de vingt ans, les fouilles entreprises par lui avec une hardiesse véritablement inspirée aboutissaient à la découverte de l’entrée et des murs de l’Acropole, le nom du jeune membre de l’École d’Athènes acquérait du jour au lendemain une notoriété que devaient accroître bientôt d’autres recherches aussi résolument tentées sur le sol qui avait porté Carthage. Plus tard, la publication d’ouvrages dans lesquels l’histoire de l’art grec et celle de l’art romain aux grandes époques était racontée ou commentée avec une simplicité habile et une érudition courtoise, — un cours d’archéologie fait à la Bibliothèque devant un auditoire plus nombreux d’année en année et d’autant mieux converti aux vérités scientifiques qu’elles lui étaient présentées sous des formes moins systématiquement austères. — d’autres travaux, d’autres services encore, ont achevé de justifier la réputation que M. Beulé avait conquise dès le début et de rendre presque populaires des études que, sauf les gens du métier, personne jadis ne se serait avisé d’aborder.

Suit-il de là que les procédés d’enseignement employés par l’école dont M. Beulé est un des représentans les plus accrédités courent le risque de compromettre la gravité nécessaire de la science et de lui faire perdre en majesté ce qu’elle peut gagner d’ailleurs en publicité ou en agrément littéraire ? Faut-il confondre ces efforts pour intéresser chacun de nous aux questions archéologiques avec les tendances de certains peintres contemporains qui n’envisagent dans l’antiquité et ne savent rendre que les menus traits de mœurs, les curiosités anecdotiques ? Ce serait se méprendre beaucoup. En voulant mettre à la portée de tous les exemples de l’art antique, les écrivains du groupe auquel appartient M. Beulé se gardent, dans le fond comme dans la forme, de sacrifier le devoir d’instruire l’intelligence au désir de la séduire ou de l’amuser. C’est la cause du beau, non celle du joli qu’ils plaident ; ce sont les nobles souvenirs, les plus hautes traditions qu’ils entendent nous transmettre, même par les moyens en apparence les moins