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substituant les Welfs de Modène, qui s’unissaient par mariage aux Nordheim, et qui bientôt allaient, ennemis jurés des Waiblingen, bouleverser l’Allemagne et l’Italie, non moins dangereux ennemis de l’empire d’Occident du moyen âge que l’avait été le Welf lieutenant d’Odoacre pour l’empire romain d’Augustule. Les routes fameuses de Coire, de Bregenz et de l’Adige étaient souvent envahies par des bandes féodales qui entravaient les communications de l’Allemagne et de l’Italie. Sur d’autres points abordables des Alpes, les marquis de Suse ou de Turin, maîtres de passages qu’ils vendaient chèrement à l’occasion, se montraient redoutables à l’empire, et les comtes de Maurienne, issus des Bosonides, étaient du haut de leurs donjons à l’affût des bonnes rencontres et d’une puissance à conquérir. Sous ces chefs accrédités, une multitude belliqueuse de nobles aventuriers suivait le destin des entreprises et les chances des combats.

En Bavière, de vieilles races nationales s’émouvaient de leur côté. Les ducs carlovingiens y avaient été aussi dépossédés jadis, et leurs héritiers ou alliés étaient prêts à passer toujours du mécontentement à la révolte. Les couvens y étaient riches et nombreux, ouvertement hostiles à la maison de Franconie, et leur inimitié est venue jusqu’à nous, dans les fragmens échappés de la très ancienne chronique d’Altaha, et surtout dans la chronique de Reichensperg, où le fougueux moine Gerhoh avait répandu le fiel de la haine et de la calomnie contre l’empereur Henri IV. Au nord comme au midi, la dynastie franconienne était donc sourdement menacée ; il lui restait les vallées de la Meuse, de la Moselle et du Rhin, où la sympathie pour les Francs orientaux était prononcée. L’épiscopat de ces contrées était surtout très favorable aux Franconiens, de même que l’épiscopat de la Haute-Italie. Nonobstant de tels embarras, Henri III avait gouverné d’une main ferme ; il allait réformer l’état et l’église pour son compte et de son autorité, lorsque la mort le surprit à la fleur de l’âge et après onze ans de règne, le 5 octobre 1056, laissant pour lui succéder un enfant de six ans, qui a été l’empereur Henri IV, sous la tutelle d’une mère intelligente, honorée, que l’Allemagne a payée d’ingratitude, peut-être parce qu’elle était originaire d’Aquitaine, et qu’il avait entourée des conseils de l’épiscopat du Rhin. À cette époque apparaît sur la scène de l’histoire le moine Hildebrand.


CH. GIRAUD.