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maintenues entre les Francs et les Saxons. Lorsque s’éteignit la dynastie ottonienne, la maison de Franconie se représenta aux suffrages des Allemands réunis dans une plaine près du Rhin, et emporta non sans peine l’élection en 1024. L’élu fut Conrad II, dit le Salique ou de Waiblingen, qui se concilia l’estime par l’extension des limites germaniques en assurant à l’empire allemand la succession du royaume de Bourgogne ou d’Arles, mais qui fut obligé de consacrer l’usurpation de l’hérédité des fiefs de la part de la grande féodalité allemande, enhardie par le rétablissement des grands duchés qu’elle avait obtenu des dernière Ottons.

La Saxe souffrit avec une impatience non déguisée le retour des Franconiens à la couronne de Germanie. Il y avait encore sur son vaste territoire des familles illustres qui étaient du sang de ses ducs, et que la tradition rattachait à la race de Wittikind. De ce nombre étaient la puissante maison comtale de Nordheim et la première maison margraviale de Brunswick, qui descendaient de Henri le Querelleur, frère d’Otton le Grand, — la maison de Billung, titulaire du duché de Saxe depuis l’élévation des Ottons à l’empire, leur égale en influence dans l’Allemagne du nord, et dont les immenses possessions ont formé plus tard les états de plusieurs maisons princières, — les comtes de Vettin, palatins de Saxe, margraves de Misnie, alliés des Nordheim et aïeux de la maison de Saxe d’aujourd’hui. Vainement les Franconiens avaient transporté leur résidence à Goslar, la ville chérie de Henri l’Oiseleur, au centre de la Saxe. Le contact de la race franque n’avait fait qu’aigrir les Saxons, et la translation bienveillante de la demeure royale à Goslar avait été prise comme une insulte. Vainement encore Henri III avait cru satisfaire l’ambition des Nordheim en conférant au chef de leur maison le beau duché de Bavière ; la race querelleuse des Nordheim avait pris pour un exil la collation de ce riche gouvernement. Tous ces grands feudataires n’avaient qu’à lever leur bannière pour entraîner encore les peuples à leur suite, comme avaient fait jadis leurs devanciers les herzogs ou ducs des vieilles bandes teutoniques. L’influence des uns et l’entraînement des autres étaient restés dans les mêmes conditions. Quant aux nombreux monastères de la Saxe, si opulens, si populeux, ils étaient aussi restés fidèles à la mémoire des Ottons, et leur sympathie pour les passions saxonnes n’était douteuse pour personne ; la postérité en garde le témoignage dans les chroniques parvenues jusqu’à nous, par exemple celles d’Hildesheim. Les prélats originaires des bords du Rhin que les Franconiens avaient transférés sur les sièges épiscopaux de l’Allemagne du nord étaient odieux aux populations. L’antipathie populaire accueillait tous les actes de la souveraineté franconienne.