Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autres régions de la Prusse. En Bavière, dans le Palatinat, on retrouve les droits d’enregistrement tels que l’administration française les avait établis. Enfin, dans la province d’Alsace-Lorraine, l’empire a maintenu les impôts en vigueur, sauf certaines modifications que le Zollverein rendait indispensables. Si nous avons beaucoup trop négligé en général d’observer ce qui se passait au-delà de nos frontières, on ne saurait adresser le même reproche au gouvernement prussien, qui de tout temps fit étudier très attentivement en France les événemens de nature à l’intéresser. Dès la fin du XVIIIe siècle, il s’approprie notre législation sur le monopole du tabac et sur les contributions indirectes ; en 1816, il substitue notre organisation de l’amortissement à celle qu’il avait créée quatre années auparavant. En dernier lieu, le Reichstag allemand vient d’adopter notre système décimal des poids et mesures, et c’est en termes français germanisés que les employés du fisc impérial devront désormais régler la perception des impôts.

Nous le répétons à dessein : la cause du progrès n’a guère à gagner dans l’étude des financiers d’outre-Rhin. Si la république doit avoir un jour son Colbert, c’est à l’Amérique et à l’Angleterre qu’il demandera ses modèles, en se faisant aussi économe que l’une et aussi libéral que l’autre. Malheureusement la situation financière de l’Allemagne est devenue, par notre faute et par notre argent, l’une des données principales du problème européen, et sous ce rapport elle touche à nos préoccupations les plus intimes. Les « milliards français » serviront-ils à féconder cette terre et à porter le bien-être dans ce pays classique de la pauvreté et de l’émigration ? Voilà ce qu’il est opportun de rechercher. Nous nous proposons d’examiner les dépenses les plus importantes du budget impérial, les voies et moyens dont il dispose, et l’emploi qu’ont reçu jusqu’ici les fonds provenant de l’indemnité française.


I

Les dépenses de l’empire seul ont été arrêtées pour 1873 à la somme de 446 millions de francs, sur laquelle les budgets spéciaux de la guerre et de la marine prélèvent 422 millions. Le surplus est destiné au service des emprunts contractés avant les événemens de 1870, ainsi qu’aux dépenses du parlement, de la chancellerie fédérale, des ambassades et consulats, de la cour des comptes et du tribunal supérieur de commerce. En dehors de ces branches essentielles de l’administration publique, que l’empire s’est chargé de diriger et de défrayer, la souveraineté des états reste à peu près intacte, notamment pour les écoles, le culte, la justice et les