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Francs et des Lombards, Charles le Grand, nous concédons, établissons et confirmons en faveur d’Otton Ier, victorieux roi des peuples teutoniques, et de ses successeurs dans le royaume d’Italie, la perpétuelle faculté d’élire et d’ordonner nos successeurs pontifes, du siège apostolique romain, et par conséquent aussi les archevêques et évêques de ses états, sauf aux élus à obtenir l’investiture et consécration des mains de qui il appartiendra[1]. » Léon VIII ajoutait l’excommunication contre tout contrevenant à son décret. Il mit l’épiscopat et la papauté à la discrétion de l’empereur Otton le Grand et de ses héritiers dans l’empire. Le pape n’était plus qu’un fonctionnaire impérial.

Quelque énorme qu’il paraisse aujourd’hui, cet acte a été le salut de la papauté au Xe siècle malgré les obstacles qu’en a rencontrés l’exécution. La maison de Saxe était une famille religieuse, fort attachée au catholicisme, et qui fut secondée par tous les hommes persuadés de la nécessité d’une réforme dans le régime de l’église. Grâce à la terreur de l’empire, les grands scandales de Rome disparurent ; mais la turbulence féodale et municipale ne put être définitivement comprimée, les violences locales se reproduisirent, et la dynastie saxonne s’éteignit avec Henri le Saint, sans avoir rétabli l’ordre dans la succession et l’administration régulière du pontificat romain. Un seul point était acquis, c’était le droit politique de l’empereur sur l’élection pontificale, droit reconnu salutaire alors par la papauté, qui par là fut préservée du retour des événemens détestables du Xe siècle. L’assujettissement de la papauté à l’autorité des Saxons était en effet un mal moindre que sa dégradation morale sous l’influence dez Marozie et des Theodora ; seulement un autre abus se fit jour, protégé par l’action persistante de l’oligarchie féodale, la simonie appliquée à toutes les charges de l’église et spécialement au pontificat romain. Benoît IX vendit la papauté à Grégoire VI. Le commerce des dignités de l’église remplaça les désordres de la débauche dans l’administration de la

  1. L’authenticité de cet acte, dont on trouve le texte dans le fameux Décret de Gratien (Dist. LXIII, c. 23), a été contestée. Voyez le Corp. jur. canonici de Richter, p. 209, Leipzig 1839 ; mais tous les manuscrits de la compilation célèbre du moine bénédictin de Bologne en renferment l’insertion, et le texte a été retrouvé dans d’autres manuscrits antérieurs à l’époque où vécut Gratien (1150), lequel ayant composé son livre dans l’intérêt de la papauté, y ayant donné place à des actes faux, favorables à la cour de Rome, ne peut être tenu pour suspect quand il s’agit d’un décret favorable à l’empire. Ni le savant canoniste Antoine Augustin, ni Baluze n’ont récusé la véracité du décret de Léon VIII, qui concorde avec tous les actes de l’histoire contemporaine. Voy. De amendat. Gratiani, édit. de Riegger, 2 vol. in-12, 1764. Théod. de Niem a publié l’instrumentum complet de l’acte du synode romain, d’où Gratien a extrait le texte dont il s’agit. Voyez les Constit. imper. de Goldast, t. Ier, p. 221 et suiv. (4 vol. in-f°, Francfort 1713).