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perdues disposant du pontificat, occupé par des monstres remplis d’ignominie[1]et dépourvus de la science des choses divines et humaines ! .. Et au milieu de ces vices, Rome est devenue une ville vénale, qui pèse ses jugemens dans la balance au poids des écus… O temps infortunés où l’église est frustrée d’un si grand soutien ! A quelle source faut-il désormais recourir pour y trouver la science et la doctrine ? Rome, après la chute de l’empire romain, a perdu l’église d’Alexandrie, celle d’Antioche, ces lumières des temps apostoliques. Ne parlons de l’Afrique pas plus que de l’Asie. Voilà que maintenant Constantinople s’est séparée d’elle, et que l’Espagne s’éloigne de son giron. L’Europe chrétienne se déchire ; les mystères d’iniquité du temps final sont-ils près de s’accomplir[2] ? »

Le rédacteur de ces doléances était le célèbre Gerbert, qui fut pape plus tard sous le nom de Sylvestre II. Eh bien ! c’est de cet abaissement que les Ottons ont relevé la papauté. Appelé en Italie par les papes eux-mêmes pour mettre à la raison la faction puissante des comtes de Tusculum et pour imposer le frein d’une règle tutélaire aux élections pontificales de la municipalité romaine, Otton le Grand, par son énergie rétablit la papauté dans son ancienne dignité, et s’érigea en réformateur de l’église, aux applaudissemens de la chrétienté. L’empire d’Occident fut rétabli en son honneur et à son profit après une longue interruption, et les anciens droits de patronage sur l’église, qu’avaient exercés Constantin et Charlemagne, furent ravivés en l’honneur et au profit de la maison impériale de Saxe. Otton le Grand fut provoqué à se poser comme arbitre de la papauté. Afin d’assurer le triomphe des bonnes mœurs à Rome, et la sincérité de l’élection du pape, le puissant roi de Germanie fut non-seulement invité à reprendre l’ancien droit carlovingien de la confirmer, mais encore à exercer le droit nouveau d’y pourvoir. Léon VIII, qu’Otton le Grand avait fait élire en remplacement de Jean XII, lequel fut déposé, proposa dans un concile convoqué à Rome et décréta le canon qui suit, en 963 : « Nous Léon évêque, episcopus, servus servorum Dei, assisté du clergé romain et avec l’adhésion de tout le peuple de la ville, à l’exemple de ce que notre prédécesseur Adrien avait établi en faveur du roi des

  1. « Succedit Romæ in pontincatu horrendum monstrum, Bonifacius, cunctos mortales nequitia superans. » Ibid., p. 205, Olleris. — Baronius, parlant d’un autre pape de ce temps, l’appelle Sergius ille nefandus. Annal., ad Serg. III.
  2. « O infelicia tempora, quibus patrocinio tantæ frustramur ecclesiæ ! Ad quam deinceps urbiuni confugiemus, cum omnium gentium dominam humanis ac divinis destitutam subsidiis videamus ? .. Fit ergo discessio, non solummodo gentium, sed etiam ecclesiarum… Jam mysterium iniquitatis operatur, etc. » — Ibid., p. 213, Olleris.