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stations et autres objets nécessaires à une ligne de premier ordre. » Le congrès du reste ne ménageait pas son concours ; outre une subvention en argent variable de 16,000 à 48,000 dollars par mille, suivant les difficultés du terrain et formant un total de 265 millions de francs, il donnait aux compagnies concessionnaires en toute propriété d’immenses surfaces du terrain de part et d’autre de la voie à construire. Ces terres n’ont à la vérité qu’une médiocre valeur, puisque le pays est désert et que la nature du sol rend peu probable qu’une colonisation abondante s’y établisse jamais.

La ligne entière fut mise en exploitation le 10 mai 1869 ; il a suffi de quatre ans pour la construire. Omaha, qui est le point de départ du côté de l’Atlantique, se trouve sur la rive droite du Missouri. En face de cette ville naissante, à Council-Bluffs, sur la rive gauche, aboutissent déjà quatre chemins de fer. On franchit la rivière par un bac à vapeur, en attendant qu’un pont ait été construit. Le voyageur, au départ d’Omaha, ne parcourt d’abord qu’une plaine absolument nue qui s’élève jusqu’au pied des montagnes par une pente insensible à l’œil. La voie, qui s’éloigne peu de la Rivière-Platte, est d’une simplicité primitive. Il n’y a point de passages à niveau, puisqu’il n’existe aucune route dans cette région ; il n’y a pas même de ballast sous les traverses. Les terrassemens se réduisent à peu de chose. Si quelque ruisseau se présente, les rails le franchissent par un pont en charpente, ouvrage provisoire que l’on remplacera plus tard par quelque chose de plus solide. En certains endroits, des détachemens de troupes campent aux abords des stations, protection nécessaire pour tenir les Indiens à distance. Vingt-quatre heures après le départ d’Omaha, on atteint Cheyenne, à 1,800 mètres d’altitude. Cette localité, entrepôt des mineurs du Wyoming et du Colorado, est le seul centre qui mérite le nom de ville. Un second chemin de fer la relie déjà au Missouri par Denver et Kansas-City.

A Cheyenne existent les plaines. La voie s’élève tout de suite à 2,51/i mètres par-dessus un contre-fort des Montagnes-Rocheuses, puis elle redescend et remonte pour atteindre à la station de Creston le faîte de la chaîne principale à une hauteur de 3,144 mètres ; c’est le point de partage des eaux entre le bassin de l’Atlantique et celui du Pacifique. Les monts Wasatch ramènent les rails à l’altitude de 2,300, d’où l’on redescend à 400 mètres plus bas sur les bords du Lac-Salé. Sur tout ce parcours, le pays change d’aspect. Le terrain, très accidenté et quelquefois pittoresque, contient des gisemens de houille et d’autres minerais ; il y a des forêts qui ont fourni les bois nécessaires à la construction du chemin. L’eau seule fait défaut ; celle qui coule à la surface est tellement chargée de sels qu’elle est impropre à l’alimentation des locomotives. Dans le