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convaincus que les Américains courent à toute vapeur sans nul souci des dangers. Cette dernière opinion est assurément erronée ; la statistique des accidens le fait voir. La vérité est qu’il existe dans le Nouveau-Monde des chemins de fer de toute sorte. Dans une contrée où le gouvernement n’exerce pas un contrôle incessant sur les travaux publics, le railway est un instrument que l’on fabrique bien ou mal, à proportion des besoins du public et du prix qu’il consent à payer. Il y en a de comparables aux nôtres, construits suivant toutes les règles de l’art. D’autres sont établis dans les conditions les plus économiques. M. Malézieux ne parle guère de ces derniers, qu’il n’était pas utile d’étudier. Quant aux railways de bonne qualité, la vitesse moyenne des trains y est, comme en France, de 50 à 55 kilomètres pour les trains rapides, de 30 à 40 pour les trains ordinaires. S’il y a une différence, elle consiste tout au plus en ceci, que la vitesse de marche est moindre et que les arrêts sont moins fréquens, mais le temps employé pour parcourir un même trajet est le même. En ce qui concerne les tarifs, on reconnaît d’une ligne à l’autre des variations singulières. La concurrence entre divers chemins de fer, et surtout entre chemins de fer et bateaux à vapeur, fait descendre les prix au taux le plus bas. Au contraire, en l’absence de toute voie rivale, ils s’élèvent quelquefois à un chiffre exorbitant. Ainsi les voyageurs paient de 6 à 22 centimes par kilomètre, suivant les lignes ; les marchandises sont tarifées de 5 à 18 centimes par tonne et par kilomètre. Le charbon de terre même paie de 5 à 6 centimes sur les chemins de la Pensylvanie, où la houille est cependant l’élément principal du trafic. Il est juste de rappeler que la valeur de l’argent est moindre aux États-Unis qu’en Europe. En moyenne, les chemins de fer américains rapportent, dit-on, 30,000 francs par kilomètre ; en France, ce chiffre s’est toujours maintenu au-dessus de 40,000. Aux États-Unis, la dépense d’établissement est moindre, puisque le coût kilométrique reste probablement au-dessous de 200,000 fr. Toutefois il paraît certain que les entreprises de chemins de fer sont peu prospères en Amérique ; les 15 milliards que l’en y a consacrés ne donnent pas un revenu net bien clair. Néanmoins les spéculateurs trouvent encore des actionnaires pour chaque affaire de ce genre qu’il leur plaît de lancer. Est-ce de la part des souscripteurs duperie ou mauvais calcul ? Nullement ; c’est qu’ils envisagent autre chose que le rapport en argent. Les chemins de fer donnent une plus-value aux prairies de l’Iowa, aux terres de l’Illinois, aux forêts du Michigan, aux mines de la Pensylvanie. Ces voies de transport rapides et économiques remplissent les entrepôts de Buffalo, de Saint-Louis et de Chicago. Qu’un homme soit banquier à New-York, propriétaire dans l’ouest ou négociant dans les