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commissaire des railways pour le Massachusetts, affirme qu’il arrive dans cet état un accident pour 1,5,00,000 voyageurs, tandis que dans la Grande-Bretagne il y en a un pour 430,000, en Prusse un pour 3 millions, et en France un pour 4 millions. Ce même fonctionnaire attribue la plupart des accidens aux exigences du public américain, qui mettent les compagnies dans l’obligation de sacrifier la prudence à la vitesse et au confort des voyageurs. Il est certain du moins que la statistique des personnes tuées ou blessées est tenue aux États-Unis avec assez de négligence, et que les journaux y donnent plus qu’ailleurs un retentissement souvent exagéré aux événemens de ce genre. De plus, le jury qui prononce sur les demandes d’indemnités des victimes ou de leurs familles est toujours très sévère pour des compagnies, ce qui s’explique facilement.

Tout le monde a entendu parler du wagon américain. C’est une longue caisse, plus haute que celle de nos wagons, de façon que l’on s’y tienne debout sans aucune gêne, un peu plus large et d’une longueur au moins double. Cette caisse repose à chaque bout sur un petit chariot à quatre roues auquel elle s’unit par une cheville ouvrière, et, comme les deux chariots qui supportent une même caisse sont indépendans l’un de l’autre, le wagon peut tourner dans une courbe de très petit rayon. Cela ressemble assez bien aux trucks accouplés au moyen desquels nos chemins de fer transportent de grandes pièces de charpente. Les portes sont à chaque bout du wagon et non sur les côtés : on y arrive par un petit escalier et un palier qui sert en outre à passer d’un wagon à l’autre dans le même train. A l’intérieur règne un couloir de 70 centimètres de large, de chaque côté duquel sont rangées des banquettes à deux places. Des lampes au gaz comprimé, des poêles à houille pour le chauffage, un cabinet d’aisances entretenu très proprement, une fontaine d’eau glacée, complètent l’aménagement intérieur des wagons américains. Il n’y a qu’une classe : tous les voyageurs paient le même prix et se trouvent confondus. Toutefois ces grandes voitures où la circulation est toujours facile permettent à ceux qui ne veulent pas être mêlés à la foule de se tenir dans un isolement relatif. D’ailleurs le sentiment de l’égalité est, on le sait, très développé dans ce pays, qui ne connaît pas toutes les distinctions sociales de notre vieille Europe.

On devine sans peine que les wagons de ce genre, où le confort est assez médiocre, conviennent surtout pour les trajets très courts et pour les voyages de jour. Quand les lignes s’étendirent au point qu’on fut obligé de rester en route des journées et des nuits consécutives, les Américains recherchèrent une installation plus commode ; ils imaginèrent alors les wagons-hôtels et les wagons-restaurans. Ceux-ci, que l’on n’attelle aux trains qu’à l’heure des