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traits géographiques remarquables de l’Amérique du Nord. On comprend ainsi comment les colons français qui s’étaient établis au XVIIe siècle sur les bords du Saint-Laurent purent descendre de Montréal à la Nouvelle-Orléans, à travers 500 lieues de pays inconnus, sans se heurter à des obstacles.

Sur un si long parcours, le Mississipi n’offre aux navigateurs d’autres difficultés que quelques rapides assez peu gênans. Il reçoit d’ailleurs des affluens dignes de lui. A gauche, c’est l’Ohio, l’Illinois, le Tennessee et le Wisconsin ; à droite l’Arkansas, le Minnesota et surtout le Missouri. Cette dernière rivière, plus longue que le fleuve dans lequel elle se jette, se développe en un parcours sinueux de 4,700 kilomètres jusqu’au flanc des Montagnes-Rocheuses. Le caractère général de ces cours d’eau est de présenter une très grande largeur avec une pente médiocre, sauf en certains endroits où des veines transversales de roches créent des rapides. Les sources même sont à une faible élévation au-dessus du niveau de la mer. Les crues sont formidables ; elles atteignent 10 mètres sur le haut Mississipi et 46 mètres à l’embouchure.

La forme du littoral était éminemment favorable à la colonisation, surtout du côté de l’Europe. Le rivage est découpé par des baies profondes. La Delaware, l’Hudson, la James River, ne sont pas navigables bien loin dans l’intérieur des terres, mais présentent à leur entrée d’excellens ports naturels, d’autant plus que, la marée s’y faisant peu sentir, la main de l’homme n’avait presque rien à y faire. La côte du Pacifique est moins bien partagée ; cependant la rade de San-Francisco est l’une des plus belles qui soient au monde.

La nature du sol varie beaucoup d’un point à l’autre de ce vaste territoire. L’espace compris entre le Missouri et l’Ohio est, à vrai dire, une des régions les plus privilégiées du globe ; c’est le grenier de l’Amérique et, en partie, de l’Europe. C’est là que les pionniers se sont portés avec le plus d’ardeur, dédaignant même les pentes orientales des Alleghanys, qui sont cependant beaucoup plus rapprochées de la mer. Chicago, Cincinnati, Saint-Louis, sont les trois capitales de cette riche contrée. La ville de Saint-Louis mérite surtout de fixer l’attention : placée à mi-chemin entre les sources et l’embouchure du grand fleuve, entre l’Atlantique et les Montagnes-Rocheuses, c’est en quelque sorte le centre du continent, comme New-York en est le port d’entrée et Chicago le port d’exportation. La zone montagneuse des Alleghanys, que l’on aurait pu croire stérile pour la colonisation, recèle des richesses d’un autre genre : c’est le pays du charbon de terre et du pétrole. La Pensylvanie, à cheval sur les montagnes, fournit de la houille à l’Union tout entière.