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parler français ; mais à la frontière prusso-russe éclatent de nouveau les sons de la langue natale. C’est à croire quelquefois qu’au lieu d’avoir passé la Vistule on a repassé la Moselle. Les Russes sont les seuls étrangers qui parlent le français comme une seconde langue maternelle. Le secret de ce brillant talent de polyglotte, nous le trouvons dans la première éducation.

Le règlement ne permet pas qu’il y ait plus de quarante élèves dans une classe, principe qu’il serait bon d’appliquer rigoureusement dans nos lycées français. Quand ce nombre est dépassé, on divise la classe ; on crée ainsi deux ou trois parallèles. Au gymnase Marie, les sept classes réglementaires forment dix-huit parallèles. Les établissemens de province suivent d’aussi près que possible l’organisation des gymnases modèles des deux capitales ; mais s’il arrivait que le nombre des élèves fût insuffisant, le curateur s’entendrait avec le natchalnik pour remplacer la division en sept classes par une organisation plus simple qui permettrait d’économiser sur le personnel. La rétribution scolaire, dont le montant doit être versé entre les mains du natchalnik ou de l’inspecteur par semestre et six mois d’avance, n’a rien d’exorbitant. On paie 60 roubles par an dans les quatre gymnases de Moscou et dans ceux de Liteinaïa, Marie, Alexandra, Vassili-Ostrof, 50 dans ceux de Kolomna et de Pierre, 40 à la Nativité. On ne distingue pas entre les élèves des classes inférieures ou supérieures.

Pour ces 50 ou 60 roubles que n’enseigne-t-on pas ? Nous sommes loin des modestes programmes dont Gogol raille la simplicité. C’est d’abord la loi de Dieu pour les élèves orthodoxes : un pope vient à des heures régulières apprendre aux enfans les prières et les élémens du catéchisme et de l’histoire sainte, expliquer aux plus âgées les mystères de la dramatique liturgie orthodoxe, l’histoire du schisme des Latins et les gloires de l’église russe. Les leçons de religion catholique, luthérienne, calviniste et, s’il y a lieu, musulmane, sont rejetées avec l’enseignement de la langue anglaise dans les matières facultatives, auxquelles on réserve des heures supplémentaires. Puis viennent la langue et la littérature russes, les langues française et allemande, l’histoire et la géographie, l’arithmétique, la géométrie et même les équations du premier degré, des notions élémentaires de physique et d’histoire naturelle, de la pédagogie, enfin la danse, le chant, le dessin, les ouvrages de femme. Pour donner une idée de la façon dont les programmes sont répartis entre les sept années, prenons l’enseignement de l’histoire. Dans les trois classes inférieures, pas de programme, pas de cours ; les maîtresses se bornent à raconter aux enfans les beaux traits de l’histoire de tous les pays. En quatrième, c’est l’histoire de l’Orient