Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/330

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

caractère exclusif du premier établissement de Catherine II ; n’entre pas qui veut à l’institut. Pour ne parler que de ceux de Saint-Pétersbourg, on n’admet, à la Société d’éducation pour les demoiselles nobles, que les filles dont le père a pour le moins le grade de colonel ou le titre de conseiller d’état. A Sainte-Elisabeth, on ne reçoit, même à titre de pensionnaires payantes, que les filles dont les pères ont acquis la noblesse héréditaire : les bourses de la couronne sont réservées aux filles des dames qui sont chevalières de l’ordre de Sainte-Elisabeth et aux filles de militaires qui ont au moins le grade de capitaine d’état-major. A l’école d’Alexandre, on exige au moins le tchin de lieutenant-colonel ou de conseiller titulaire. L’institut Paul est le plus démocratique de tous : on exige encore un certain tchin pour les bourses, mais l’on reçoit comme pensionnaires des filles de toute condition, pourvu que le père ne soit pas soumis à l’impôt de la capitation. Un bourgeois (mèchtchanine) dont la bourgeoisie est bien constatée, un marchand dûment inscrit dans une ghilde, peuvent donc y envoyer leur enfant ; mais la fille du paysan même libre, du cultivateur même riche et aisé, s’en trouve exclue. En admettant que quelques instituts aient entr’ouvert la porte à des jeunes filles non nobles, on peut poser en principe que les instituts ne sont pas faits pour les filles de la bourgeoisie, sans parler de la répugnance que le bourgeois pourrait avoir à se séparer de ses filles et à les voir élever dans des idées étrangères à leur condition. Toutefois on ne saurait refuser son tribut d’admiration à l’œuvre de l’impératrice Maria-Feodorovna : vingt-six grandes maisons d’éducation sont ouvertes aujourd’hui aux filles de la noblesse russe, une classe si nombreuse, et qui en somme, grâce à l’anoblissement que confèrent les services administratifs et militaires, se recrute perpétuellement dans les rangs de la bourgeoisie.

Les femmes de la dynastie de Romanof ont donné là un grand exemple. Elles ont employé au relèvement de leur sexe non pas seulement les revenus de l’état, mais leur fortune particulière. Elles ont surtout payé de leur personne, et rendu à leurs pupilles le bienfait de l’éducation plus cher encore par de délicates attentions. Les solennités des instituts sont des fêtes à la fois pour l’école et pour le palais. L’impératrice, l’empereur, les princes de la famille impériale, assistent aux distributions de récompenses, tiennent à fêter à tour de rôle les élèves qui sortent du couvent pour entrer dans la vie. Dans les résidences des environs de Saint-Pétersbourg, à Tsarskoe-Sélo, à Péterhof, il n’est pas rare de rencontrer dans les appartemens impériaux des portraits d’élèves sorties de l’institut, des photographies de promotions entières qui ont voulu offrir un