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Pendant longtemps, on ne parut se soucier que de l’éducation des jeunes filles nobles ; alors s’élevèrent les instituts. Ils sont aujourd’hui en assez grand nombre ; il y en a sept principaux à Saint-Pétersbourg, l’Institut patriotique et l’École d’Elisabeth au Vassili-Ostrof, la Société d’éducation des demoiselles nobles et l’École d’Alexandre au couvent de Smolna, les Instituts de Paul, de Nicolas et de l’ordre de Sainte-Catherine. Il y en a quatre à Moscou, ceux de Sainte-Catherine, d’Alexandre, d’Elisabeth, et l’Institut Nicolas pour les orphelines, qui se trouve dans les bâtimens de la Maison d’éducation (Vospitalnyi dome), création grandiose de Catherine, le plus colossal édifice de Moscou. Enfin il y en a une quinzaine dans les villes de gouvernement ; on en trouve un à Irkoutsk, en Sibérie. Ces établissemens ont conservé quelques-uns des caractères de la première fondation de Catherine II. On leur a reproché de négliger la partie scientifique de l’instruction, l’histoire, la géographie, les sciences naturelles et mathématiques ; aujourd’hui leurs programmes et leur enseignement se rapprochent de plus en plus du plan d’études des gymnases. En revanche, on y a toujours appris les langues vivantes et surtout le français avec une perfection qu’on ne saurait atteindre ailleurs : les élèves, grâce à l’internat, sont en rapports continuels avec des maîtresses qui s’entretiennent avec elles en français, en allemand ou en anglais ; des élèves externes au contraire oublient facilement au foyer domestique les langues étrangères.

Ces instituts, nous venons de le dire, sont des internats ; pour certains d’entre eux, par exemple pour les orphelines Nicolas, on ne saurait même imaginer un autre régime. Or on a tout dit sur les inconvéniens de l’internat en général. Quels que soient le dévoûment, la supériorité même d’éducation des personnes qui sont appelées à suppléer les parens, il est impossible, dans la plupart des cas, qu’elles les remplacent complètement. Il y a quelque chose de factice et d’anormal dans cette vie claustrale, privée des consolations, des conseils, de l’expérience qu’on trouve dans la famille. Cette règle uniforme, qui promène son inflexible niveau sur les caractères et les organisations les plus diverses, détruit à la longue l’individualité. Ce n’est pas impunément que pendant quinze ans on a été condamné à travailler, à dormir, à manger, à s’amuser à une heure fixe qui est la même pour des centaines d’autres enfans. Depuis quelques années, dans les instituts de Russie, on s’est un peu relâché de la rigueur première de ce régime : on admet les parens à des heures déterminées au parloir ; presque partout on a institué des vacances.

On pourrait encore reprocher aux instituts d’avoir conservé le