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L’ÉDUCATION DES FILLES
EN RUSSIE
ET LES GYMNASES DE FEMMES.

I.

La grande Catherine est le premier souverain russe qui se soit préoccupé de l’instruction des femmes. En 1764, elle fonda sur les bords de la Neva, dans le couvent de la Résurrection, bâti par l’impératrice Élisabeth, une maison d’éducation pour les jeunes filles. Elles étaient au nombre d’environ cinq cents, moitié de la noblesse, moitié de la bourgeoisie ; on y entrait à six ans, et on en sortait à dix-huit. Une directrice française d’origine, Mme Lafond, avait sous ses ordres huit inspectrices et quarante institutrices ou maîtresses de classe. Non-seulement les élèves étaient admises gratuitement, mais l’impératrice leur fournissait une dot à la sortie : 2,000 roubles pour les jeunes filles de l’aristocratie, 100 pour celles de la bourgeoisie. Une distinction aussi tranchée entre les jeunes filles nobles et roturières à une époque où la noblesse russe avait déjà perdu toute signification politique était surtout vicieuse dans une maison d’éducation. Les unes étaient vêtues d’étoffes fines, les autres de tissus grossiers : aux premières, on enseignait les « arts d’agrément, » les autres apprenaient à coudre, à blanchir, à faire la cuisine. On ne voit pas que Catherine II ait obéi à une préoccupation d’un ordre plus haut que le point de vue pratique. « Nous les élevons, écrivait-elle à Voltaire, pour les rendre les délices des familles dans lesquelles elles entrent ; nous ne les voulons ni prudes ni coquettes, mais bonnes mères de famille et capables de prendre soin de leur maison. » Un autre caractère de son système d’éducation, c’était la crainte des influences de la maison paternelle. L’idéal de l’éducation