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LA MORT D’ALI PACHA.

sans perdre un instant, à la recherche de cette division ottomane. Le 15 février 1822, le convoi turc, au nombre de soixante-six voiles, vînt jeter l’ancre sur la rade de Zante ; le 22, il se dirigeait vers Patras. Le 27 se montraient à leur tour les bâtimens grecs, « bien faibles, nous dit le rapport de l’agent consulaire de France, M. Reinaud, bien faibles et presque tous bricks marchands armés en guerre. » Avertie par les avis qui lui furent envoyés de Zante, la force turque activa ses opérations, laissa en arrière un bon nombre de ses transports et mit précipitamment sous voiles. Près du cap Papa, elle rencontra les Grecs ; l’affaire se termina par une vive canonnade. Un vent très violent de nord et de nord-est sépara les combattans. Le lendemain, la division turque mouillait de nouveau devant Zante, et, trompant la surveillance des Grecs, s’échappait furtivement à la faveur de la nuit. Le désappointement fut extrême à Hydra et dans toute la Grèce. Rien n’avait plus contribué au succès de l’insurrection que la suprématie navale. Qu’arriverait-il si l’on venait à la perdre ? Les bâtimens grecs étaient « chargés d’hommes entreprenans et capables, » mais impuissans à se mettre en travers de la flotte de Constantinople. Allaient-ils trouver dans les Barbaresques des adversaires en état de lutter d’agilité et d’adresse avec eux ? Le découragement parut à cette époque faire de sensibles progrès, particulièrement dans les îles. Pendant que le blocus d’Athènes se poursuivait sous les ordres d’un ancien aspirant de la marine française, M. Voutier ; pendant qu’un autre Français, le lieutenant de grenadiers Ballestre, homme de résolution, poussait vigoureusement la guerre en Candie, qu’un Alsacien dirigeait l’artillerie à Chio, que quelques autres Français, des Allemands, un ou deux Anglais allaient prendre place dans les rangs des palikares, l’amiral Halgan adressait au ministre de la marine, le 12 mars 1822, la copie de deux lettres « relatives à une proposition des principaux insulaires de l’Archipel. » — « Voici, disait l’amiral, l’objet de leurs sollicitations : ils demandent la protection de la France, ou, si cette requête est rejetée, la facilité pour les chefs de se rendre à Marseille avec leurs capitaux. J’ai écrit à M. le marquis de Latour-Maubourg à Constantinople que, sans entrer dans le fond de la question, sans même penser que le protectorat demandé pût être utile à la France, je croyais qu’il y aurait de l’inconvénient à abandonner absolument les Grecs à la vengeance de leurs anciens maîtres. L’une des conséquences immédiates de cet abandon serait sans doute une série de meurtres dont l’opinion publique s’irriterait en Europe, et dont probablement la Russie saurait tirer parti pour troubler le repos du monde. » Les Grecs, on le voit, n’étaient pas seuls découragés à cette heure ; leurs protecteurs les plus sympathiques ne parlaient plus déjà que