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LA MORT D’ALI PACHA.

golfe de ce nom du golfe de Salonique. Des milliers de Grecs et quelques centaines d’Albanais chrétiens étaient venus l’y rejoindre ; les Hydriotes avaient prêté leur appui, et les Turcs avaient dû assiéger cette nouvelle place de guerre avec environ 8,000 hommes. Le 15 août 1821, un assaut général fut repoussé ; les massacres et les exécutions en masse vengèrent sur-le-champ cet échec. Les juifs de Salonique comme ceux de Constantinople et de Smyrne prêtèrent encore en cette occasion leur sanglant ministère ; c’est à eux que revient l’honneur d’avoir relevé dans les états du sultan le pal, qui y était oublié depuis un demi-siècle. Une nouvelle attaque infructueuse, tentée le 3 octobre, avait coûté beaucoup de sang de part et d’autre. Un pacha plus habile fut chargé des opérations ; des renforts considérables lui furent envoyés, et dans la nuit du 10 au 11 novembre la presqu’île de Cassandre fut enfin enlevée d’assaut. Cette victoire décisive, bientôt suivie de la soumission du mont Athos, arrêta court le soulèvement de la Roumélie.

II

Au nord des golfes de Volo et d’Arta, les Turcs n’avaient plus d’autre ennemi à combattre que le gouverneur rebelle de l’Épire. Dès que ce pacha aurait succombé, la Porte serait en mesuré de recommencer contre la Morée la foudroyante campagne d’Ali-Kumurgi. Le soin de leur propre sûreté conseillait donc aux Grecs de tenter une diversion en faveur du vieux lion de Tépédélen. Le plus utile secours qu’ils lui pussent donner eût été d’interrompre les communications de Kurchid avec la flotte ottomane, les îles ioniennes et l’Adriatique. Pour atteindre ce but, il eût suffi d’occuper les villes de Prevesa et d’Arta. Tel fut le projet qui, vers la fin du mois d’octobre 1821, réunit à Missolonghi les Albanais partisans d’Ali et les capitaines étoliens. La guerre de race se superposait ici à la guerre de religion. Les Tosques musulmans, associés aux Souliotes et aux Grecs pour combattre les Albanais de la Guégarie et les Slaves de la Macédoine, en étaient encore à découvrir les dangers que cette alliance pouvait faire courir à l’islamisme. Ce fut le récit des horreurs commises à Tripolitza et la vue des mosquées en ruines de Vrachori qui leur dessillèrent les yeux.

Quand Amurat II avait, vers le milieu du XVe siècle, conquis Janina, toute la contrée jusqu’aux rivages de la mer ionienne avait reconnu la domination musulmane, et plusieurs tribus chrétiennes avaient, pour prix de leur soumission, conservé le privilège de porter les armes. Dans l’Albanie du nord, ces tribus étaient catholiques ; dans l’Albanie du sud, elles étaient orthodoxes, et entre