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ration, marine glorieuse, marine laborieuse et instruite à laquelle nous devons, nous autres officiers du gouvernement de juillet et du second empire, ce que nous avons appris et ce que nous sommes. Les voilà ces noms qui devaient figurer à la tête d’un corps dont ils furent l’honneur, les voilà les Hamelin, les Desfossés, les Jacquinot, les Pellion, les Clavaud, les Du Bourdieu, les Lugeol, les Deloffre, les Jehenne, tous réunis à la même époque dans la même station ! Tels étaient les hommes à qui une heureuse fortune avait en 1821 confié dans les mers du Levant le drapeau de la France. Une chance non moins favorable les rassemblait sur un terrain où ils devaient promptement acquérir l’expérience que toute autre navigation leur eût fait longtemps encore attendre. « Il y a plus à manœuvrer, écrivait en 1817 le chevalier de Rigny, pendant un mois de séjour dans l’Archipel que pendant toute une campagne des colonies. » Les événemens, en se précipitant et en augmentant les inquiétudes des consuls, allaient tenir nos navires, si nombreux qu’ils fussent, constamment en haleine, et contribuer ainsi indirectement à hâter l’instruction de nos officiers. Il fallait d’ailleurs, dans ces parages infestés de croiseurs novices et prompts à se méprendre, se tenir toujours prêt à exécuter rapidement le branlebas de combat, naviguer pour ainsi dire les boutefeux allumés, ne négliger en un mot aucune des précautions qu’on eût prises en temps de guerre. Sous tous les rapports, l’école était excellente, l’enseignement complet. La discipline, la tenue militaire de nos bâtimens, ne tardèrent pas à s’en ressentir. Un seul exemple suffira pour montrer le rôle honorable que s’était assigné dès cette époque notre marine, la fermeté et la modération qu’elle mettait à le remplir.

La gabare l’Active et le brick le Rusé, commandés par les Iieutenans de Reverseaux et Quernel, officiers déjà connus, déjà signalés parmi les plus distingués, étaient sortis de Smyrne avec plusieurs Grecs réfugiés à leur bord. Ces deux bâtimens prirent en échange à Tine 11 Turcs, dont un aga et sa famille, sauvés par les soins généreux du sieur Spadaro, agent consulaire du roi dans cette île. De ce point, l’Active et le Rusé se portèrent à Naxos, où les capitaines se firent remettre, après de longues discussions, 17 Ottomans retirés chez le consul de France et seuls restes de 111 prisonniers. Le départ de ces malheureux fut le signal d’un soulèvement presque général. L’archevêque, le consul, la population catholique, se virent menacés. M. de Reverseaux montra en cette occasion une remarquable énergie. Il se jeta de sa personne au milieu des mutins, et les fit reculer en les invitant à ne point provoquer imprudemment la colère de la France. Ce fut à Marmorice et à Rhodes que les Turcs furent rendus à leurs coreligionnaires. Les deux na-